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Journée d'Échanges ScienTifiques (JEST)

Niveau de difficulté : 5

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 Avril 2018 - Université de Bordeaux - EPOC - Missions en mer du Groenland, mer de Norvège et mer de Barents 

 SABINE M. (1), EYNAUD F. (2), ZARAGOSI S. (2), BIGUENET M. (2), DAYNAC J. (2), SEIBERT C. (3), RACINE C. (2), MARCHÈS E. (4), GARLAN T. (4)

(1) Terres du Passé, Listrac.
(2) Université de Bordeaux, laboratoire EPOC, Pessac.
(3) Institut de Physique du Globe, IPGP, Paris.
(4) Service Hydrographique et Océanographique de la Marine, SHOM, Brest.

Marjolaine Sabine · Présentation des missions MOCOSED 2014 et 2017 dans les mers nordiques - JEST avril 2018

 

Bonjour et Bienvenue !

Sur cette page, vous trouverez la présentation orale que j'ai faite durant la Journée d'Échanges ScienTifiques (JEST) de 2018. Cette journée, organisée par le laboratoire EPOC et l'Université de Bordeaux, donne l'opportunité aux différentes équipes du laboratoire de présenter à leurs pairs leurs sujets de recherche et d'étude.

Bonne lecture !


Bonjour et bienvenue !

Je me présente, Marjolaine Sabine, actuellement en fin de première année de thèse à l'Université de Bordeaux (Note : cela se passait en 2018), au sein du laboratoire EPOC et financée par le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (Shom).

Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous parler de ma thèse réalisée sous la direction de Frédérique Eynaud (EPOC), Sébastien Zaragosi (EPOC), Élodie Marchès (Shom) et Thierry Garlan (Shom), portant sur l'étude de carottes sédimentaires prélevées dans les mers nordiques.


Dans un premier temps, nous allons voir où se trouvent les mers nordiques et pourquoi les étudier. Quels sont les enjeux et les intérêts scientifiques et sociaux liés à ces mers ? Cela nous amènera aux objectifs de ma thèse.

Ensuite, nous allons voir les carottes sur lesquelles porteront mes recherches, issues de deux missions réalisées en 2014 (mission MOCOSED 2014) et 2017 (mission MOCOSED 2017).

Enfin, je terminerai en vous présentant quelques résultats préliminaires de ma thèse.


I. Présentation de la zone d'étude

Pourquoi étudier les mers nordiques ?

Ces mers se trouvent au nord de l'Atlantique Nord. Elles sont à la frontière de l'océan glacial Arctique. Comme vous pouvez le voir sur cette carte de 2015 de Philippe Rekacewick, l'Arctique est une zone d'importance géopolitique majeure. Et cela, non seulement d'un point de vue stratégique international...


Mais aussi d'un point de vue commercial, avec l'existence des passages du Nord-Ouest et du Nord-Est, libres de glace durant quelques semaines au cours de l'été Arctique, et permettant le transfert de marchandises par la mer.


Comme vous pouvez le constater sur cette carte montrant les routes maritimes, le passage du Nord-Est raccourcit le chemin de près de 3 000 miles (soit environ 4 800 km) pour rejoindre le Japon ou la Chine depuis l'Europe.

Un élément important que montre cette carte est l'extension de la glace de mer en Arctique : la banquise a nettement reculé entre 1979 et 2012.

Si l'on se penche plus avant sur cette question...


Et que l'on regarde les données du NSIDC (Notional Snow & Ice Data Center, le Centre National de données sur la Glace et la Neige), on voit clairement une diminution de l'étendue du couvert de glace de mer arctique depuis plus d'un demi siècle d'enregistrements de données.


En regardant l'évolution de la glace de mer en image, au mois de septembre, entre 2003 et 2012, le phénomène de réduction d'extension de la banquise est clairement visible. La perte est significative. On peut se demander quels seront les impacts environnementaux, climatologiques et océanographiques de ce changement majeur.


La question se pose de savoir quelles seront les conséquences de ces décharges d'eau de fonte sur la circulation océanique globale, donc sur le climat global et la sédimentation dans ces mers.

Ce qui nous amène aux missions MOCOSED 2014 et 2017, réalisées dans les mers nordiques, dans le but, justement, d'apporter des éléments de réponse à ces questions.

En étudiant les climats du passé et donc les périodes de réchauffement qui se sont produites dans le passé au cours des divers cycles climatiques du Quaternaire, on peut analyser la réactivité des mers, des processus sédimentaires et des microorganismes planctoniques et benthiques.

Sur cette carte, vous pouvez voir l'extension de la glace de mer (en blanc) lors de la mission MOCOSED 2014 en mer de Norvège et mer de Barents (le tracé noir). On y voit que le détroit de Fram est presque entière recouvert par la glace de mer, sauf le long de la marge de Svalbard.

En revanche, lorsqu'on regarde le tracé de la mission MOCOSED 2017 (en jaune), on constate que nous avons pu remonter nettement plus loin au nord en mer du Groenland que ce qui aurait été possible seulement 3 ans plus tôt ! Pourtant, nous nous y sommes rendus à la même période sur le Pourquoi Pas ? et nous avons poussé jusqu'à limite de la zone de formation de glace de mer cette année-là !


Bien. Maintenant que nous avons une vision globale de l'environnement polaire boréal, nous pouvons nous concentrer plus précisément sur la zone d'étude : les mers nordiques. 

Ces mers se trouvent sous l'Arctique, en bas de la carte que je vous présente, ici encadrées en orange.

Si on zoome sur cette zone...


...On distingue bien la mer du Groenland, à l'est du Groenland, la mer de Norvège, au nord-ouest de la Norvège, et la mer de Barents, peu profonde, entre les Spitzbergs et la Novège.

D'un point de vue structurel...


...Des rides océaniques marquent le fond de ces mers. Ce sont des limites entre les plaques groenlandaise et eurasiatique. 

La mer du Groenland et la mer de Novège sont notamment séparées par les rides de Mohns et Knipovitch.


Deux grands plateaux continentaux entourent ces mers, ici représentés en bleu pâle. Le large plateau continental de Barents, à l'est, montre bien que cette mer épicontinentale est peu profonde, à moins de 200 m de profondeur en moyenne.


4 bassins profonds marquent ces mers, ici en bleu : le bassin de Blosseville, au sud-ouest, le bassin du Groenland et de Boreas, à l'ouest, et le bassin du Lofoten, à l'est.


Plusieurs hauts fonds sous-marins ressortent également, représentés en bleu-mauve : le plateau islandais, entre l'Islande et le zone de fracture de Jan Mayen, le plateau de Vøring, au large de la Norvège, et le plateau de Yermak, à l'entrée de l'océan glacial Arctique.


L'étroit passage permettant la communication entre les mers nordiques et l'océan Arctique est le détroit de Fram, ici représentée en beige.

Ces différents élément correspondent aux structures bathymétriques du fond des mers nordiques. À présent, si nous nous penchons sur les structures sédimentaires...


 ... de larges marques peu profondes entaillent les plateformes continentales : ce sont les paléo-icestreams. Les paléo-icestreams sont de larges gouttières creusées par les calottes glaciaires durant les maxima glaciaires du Quaternaire.

Un paléo-icestream ressort plus que les autres, celui de l'île aux Ours, d'une taille bien supérieure à tous les autres. Nous aurons l'occasion d'en reparler un peu plus bas.

La glace s'écoulait donc par ces gouttières, et qui dit écoulement dit transport de sédiment !


Aux débouchées de ces paléo-icestreams se trouvent de larges éventails sédimentaires appelés des Trough Mouth Fans (TMF). Ce sont les zones de dépôts des sédiments transportés par la glace durant les périodes glaciaires et de déglaciation.


D'autres structures sédimentaires ont déjà été identifiées sur le fond, telles que des chenaux profonds donnant sur des lobes turbiditiques profonds : ce sont des systèmes de chenaux-levées-lobes liés à des courants de turbidité et/ou de gravité.


Enfin, des glissement sous-marins ont été identifiés sur toute la marge norvégienne et sur la partie sud de la marge de Barents. L'absence de glissement identifiés sur la marge groenlandaise ne signifie pas une absence de glissements dans cette zone mais une lacune de connaissances.


Maintenant que le contexte environnemental est posé, les objectifs de ma thèse prennent leur sens :

Étudier au moins les derniers 80 000 ans, soit l'intégralité de la dernière période glaciaire et de la déglaciation ayant découlées sur l'interglaciaire actuel que nous sommes en train de vivre :

  1. Faire le lien entre les courants dans cette partie de l'océan global et la formation/fonte de glace de mer (quel impact la glace de mer a sur les courants marins ?)
  2. Identifier la sédimentation de la zone et la caractériser en détails (quels types de dépôts par les courants marins, dans quelles zones, quelle récurrence et position des avalanches sous-marines, des glissements, etc.)
  3. Regarder les liens entre les glaciers, la structure des marges continentales, des marges glaciaires, et les apports de sédiments dans ces mers.

II. Présentation des carottes sédimentaires de ma thèse

Ce sont 31 carottes sédimentaires qui ont été prélevées durant les missions MOCOSED 2014 et 2017. Vous les voyez ici réparties dans les mers nordiques en fonction des structures sédimentaires déjà connues dans la zone.


Sur ces 31 carottes :

  • 2 ont été étudiées en 2015, donc deux ans avant le début de ma thèse, par Chloé Seibert durant son stage de Master 2.
  • 1 a été étudié en 2017 par Jimmy Daynac, durant un stage d'un mois en Licence 1 que j'ai encadré.
  • 3 ont été étudiés en 2018 par Maude Biguenet durant son stage de Master 2.


III. Premiers résultats

Ce qui nous amène aux premiers résultats obtenus pour l'étude de ces carottes. Commençons avec le travail de Chloé Seibert, en 2015 : elle a contribué à appuyer l'hypothèse selon laquelle la calotte de Barents-Kara aurait recouvert l'intégralité de la plateforme continentale de Barents, s'étendant jusqu'au rebord de plateforme et donc, jusque dans la zone des carottes prélevées.

En y ajoutant l'étude d'autres carottes de la zone,...


...on peut également en déduire non seulement l'influence majeure de la calotte glaciaire sur la sédimentation, mais également sur les courants marins profonds ayant circulé dans la zone durant le dernier maximum glaciaire.

Ici en rouge, vous voyez l'actuel NAC (North Atlantic Current, Courant de l'Atlantique Nord). Il circule actuellement le long de la marge continentale de Barents. On discerne particulièrement bien le paléo-icestream correspondant à la zone d'écoulement rapide de la calotte durant le dernier maximum glaciaire.

Si aujourd'hui, ce courant empreinte le PIS de l'île aux Ours pour circuler en mer de Barents, il est évident qu'il se trouvait bloqué et contraint à rester en mer de Norvège lorsque la calotte recouvrait totalement la mer de Barents, au point d'en râcler le fond, comme l'indiquent les structures sédimentaires profondes.

Trois carottes ont été prises dans la ligne d'écoulement du paléo-icestream : les KC04, KC03 et KC02...


 ... En prenant un peu de recul, on se rend bien compte que ces carottes doivent avoir enregistré la sédimentation liée à cet icestream. En comparant les données sédimentaires de ces trois carottes à celles des carottes KC08 et KC15, on devrait donc être capable d'identifier le niveau correspondant à la période d'activité de la calotte.


Ici, vous avez justement les trois carottes prises au centre du paléo-icestream, de la moins profonde à la plus profonde, correspondant donc au sens d'écoulement de l'icestream. Les données présentées sont :

  1. L'échelle des profondeurs, donnée en mètres. Les trois carottes sont placées sur la même échelle ;
  2. Ensuite vient la photographie de la carotte,
  3. Puis sa donnée d'imagerie aux rayons-X, qui permet de voir les structures internes non discernables à l'oeil, dont entre autres les grains détritiques transportés par la glace (appelés des IRD), qui ressortent comme de petites tâches noires sur le l'imagerie rX.
  4. Ensuite, il y a justement le comptage de ces IRD, comptage réalisé sur les image rX par niveaux de 5 cm.
    En jaune, il s'agit du pourcentage d'IRD de taille supérieure à 1 cm de diamètre.
    En trois teintes de gris, il s'agit du nombre total d'IRD comptés par 5 cm d'image rX.
  5. Puis vient la mesure de susceptibilité magnétique, en rouge, qui permet d'avoir une information sur la faculté d'un matériau à s'aimanter.
  6. Et enfin, en noir, l'information de Ti/Ca (titane sur calcium) donnée par la mesure XRF (X-ray Fluorescence). Le Ti correspond à l'information détritique alors que le Ca correspond à l'information biogénique. Plus les valeurs sont élevées, plus la sédimentation est détritique, terrigène, et inversement, plus les valeurs sont faibles, plus la sédimentation est biogénique.

Dans ces mers très froides et rudes pour la vie, une sédimentation biogénique élevée sous-entend des conditions "chaudes" pour ces mers, donc plutôt des périodes interglaciaires. 

Ici l'on constate une très forte sédimentation terrigène, avec une susceptibilité magnétique assez faible, et beaucoup de grains détritiques grossiers. Ces trois carottes semblent avoir enregistré presque uniquement une sédimentation glaciaire.

Si l'on compare les données de ces carottes à celles des carottes KC15 et KC08, mais aussi à la carotte de référence MD95-2012 (dont les données ont déjà été validées par nos pairs dans des revues scientifiques internationales)...


...Alors on constate que ces carottes présentent des enregistrements similaires sur une zone en particulier, à moins de 1 m de profondeur pour la KC08 et entre 1 et 2 m de profondeur pour la KC15. Ce niveau, ici encadré en seconde position, peut être assimilé à une sédimentation glaciaire et donc correpond probablement à la période d'intense activité du paléo-icestream de l'île aux Ours.

Cela permet une datation relative, stratigraphique donc, des sédiments de ces deux carottes.

Des dates carbone 14 ont été réalisées sur ces carottes et il se trouve qu'elles donnent un âge à ces sédiments correspondant, non pas au maximum glaciaire, mais à la dégalciation ! Ces informations combinées nous permettent donc d'émettre l'hypothèse que le paléo-icestream de l'île aux Ours a connu une activité très intense non pas durant le maximum de la période glaciaire, qui a permis son extension jusqu'au rebord de plateforme, mais bien durant la période de réchauffement et donc de déglaciation, avec des fontes massives et des décharges d'icebergs riches en particules sédimentaires.

Ce sont des résultats préliminaires. Ils vont demander une investigation plus poussée, mais ils promettent des découvertes fascinantes sur les processus et mécanismes régissant les mers nordiques en fonction de l'alternance des périodes glaciaires et interglaciaires ! (Pour voir ces résultats, vous pouvez vous rendre sur les pages consacrées à la thèse de Marjolaine Sabine : Contribution relative des forçages climatiques et des processus sédimentaires dans la répartition spatio-temporelle des sédiments des mers nordiques (mers de Norvège, du Groenland et de Barents)).


Merci de votre attention !

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Références Bibliographiques