Une brève histoire de l'eau
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L'eau.
70,8% de la surface terrestre est recouverte par cet élément particulier.
L'eau nous est indispensable.
Sur Terre, l'eau a fait de notre planète le havre de vie que nous connaissons.
Elle n'est bien évidemment pas la seule source de vie sur la Planète Bleue, loin de là, mais elle en est un vecteur (quasi)indispensable. Mais l'eau a-t-elle toujours été présente sur Terre ? Comment, à partir de la boule de lave en fusion qu'était notre Terre à sa naissance, de telles masses d'eau liquide ont-elles pu s'accumuler ?
Dans ce chapitre, nous allons essayer de voir ensemble les éléments de réponse que nous apporte la Science. Alors en avant pour un voyage à travers le temps et l'espace !
Aux origines du monde, il y a 4,55 milliards d'années
Notre Univers a commencé son expansion il y a environ 13,7 milliards d'années. Notre Système solaire, quant à lui, est bien plus jeune et a commencé à se former il y a seulement 4,55 milliards d'années. À cette époque, l'intégralité des éléments constitutifs de notre Système solaire existait sous la forme d'une nébuleuse de poussières et de gaz (essentiellement de l'hydrogène et de l'hélium) qu'on appelle un nuage protosolaire (proto pour "premier exemplaire, première version"). Tournant sur lui-même et la gravitation faisant son oeuvre, ce nuage a commencé à s'effondrer et la majorité de la masse le composant s'est concentrée en son centre, donnant ainsi naissance à notre étoile, le Soleil (Bahic et al., 2006).
Une hypothèse globalement acceptée dans la communauté scientifique internationale est que la composition isotopique de ce nuage protosolaire était homogène de son coeur à sa périphérie. Et pourtant...
Des isotopes de l'hydrogène pour comprendre
L'hydrogène et l'hélium sont les deux premiers atomes à s'être formés durant les premiers stades d'expansion de notre Univers. Ce sont les éléments les plus petits, les plus simples et les plus abondants dans l'Univers. Mais ces éléments existent sous certaines variantes, qu'on appelle des isotopes.
Aujourd'hui, c'est l'hydrogène qui va essentiellement nous intéresser.
La question de l'origine de l'eau sur Terre est légitime. Après tout, n'est-ce pas la présence de cet élément que nous recherchons avidement lorsque nous « explorons » des exoplanètes pouvant potentiellement abriter la vie ?
Cet élément, qui nous est si précieux, sans lequel nous ne pouvons exister et qui permet à la vie de proliférer sur Terre, apporte des conditions essentielles au développement de la vie. Et même si nous supposons que des océans de méthane liquide peuvent également permettre à la vie de se développer dans d'autres mondes, nous savons avec une absolue certitude que l'eau liquide est source de vie. Sinon, nous ne serions pas là ! Ni l'herbe, ni les arbres, les insectes, les champignons, les animaux, bref ! Tout ce qui vit et se développe actuellement sur Terre, des plus petites choses aux plus grandes, le doivent à l'eau. Et surtout, à l'eau liquide.
Qu'est-ce que l'eau ?
L'eau est une molécule, H2O, comprenant deux atomes d'hydrogène, l'atome le plus léger et le plus abondant qui existe, et un atome d'oxygène, relativement lourd.
L'hydrogène ne comprend qu'un seul électron :
L'oxygène est beaucoup plus gros que l'hydrogène et comprend quant à lui huit électrons :
Mais l'hydrogène et l'oxygène ne sont pas stables car leurs couches électroniques, les orbites sur lesquelles tournent les électrons (on parle alors d'orbitales atomiques), ne sont pas remplies, ce qui les rend instables. Il manque deux électrons à l'oxygène et un seul électron à l'hydrogène pour atteindre la stabilité. C'est donc assez logiquement que l'oxygène attire deux hydrogènes, partageant leurs électrons par des liaisons covalentes et formant ainsi la molécule d'eau, H2O :
Même si elle détaille pas mal de chose (ou justement parce qu'elle donne des détails !), cette représentation de la molécule d'eau est un peu lourde, alors pour la simplifier, on peut la représenter de ces deux façons :
La particularité de l'hydrogène
L'hydrogène est un atome très petit et très léger. Dans sa forme la plus courante, il ne comprend qu'un proton et un électron.
Dans sa forme un peu moins répandue, il comporte un électron, un proton et un neutron dans son noyau. Lorsqu'il y a un neutron, l'hydrogène devient du deutérium, D, un peu plus lourd que l'hydrogène H.
C'est en regardant le rapport isotopique du Deutérium sur l'Hydrogène (D/H) que l'on peut trouver des éléments de réponses concernant l'origine de l'eau sur Terre.
L'eau est-elle rare ou abondante dans l'Univers ?
Spontanément, à la question « L'eau est-elle abondante dans l'Univers ? », on peut avoir envie de répondre « Non ». Et cette réponse se conçoit : après tout, puisque nous ne parvenons pas à trouver de vie extra-terrestre, et que l'on sait que la vie existe grâce à la présence d'eau, on peut assez logiquement se dire que cet élément est très déficitaire dans notre Univers.
Or, à dire vrai, un astrophysicien vous dirait que l'eau fait partie des molécules les plus récurrentes, bien qu'elle ne représente qu'une part infime de la masse de l'Univers comparativement à l'hydrogène qui, à lui seul, en représente 70%.
On trouve la molécule d'eau essentiellement sous forme solide (dans la glace interstellaire par exemple) ou gazeuse. L'eau est présente dans l'atmosphère des étoiles dites "froides" (la molécule d'eau se délite dans des conditions de température supérieures à quelques miliers de degrés), dans des nuages protoplanétaires,... ou encore dans le Système solaire !
Mais, à part dans le Système solaire, nous n'avons pas encore trouvé d'eau sous forme liquide ailleurs dans l'Univers.
De l'eau avant même la naissance de notre Système solaire
Pour comprendre comment l'eau s'est accumulée dans de telles proportions sur Terre, il faut remonter le temps et revenir au tout début de l'histoire de notre Système solaire.
Il y a 4,56 milliards d'années (Ga), à l'emplacement approximiatif de notre Système solaire se trouvait une nébuleuse. Cette nébuleuse n'était qu'un mélange instable et tournoyant de gaz (composés essentiellement d'hydrogène et d'hélium) et de poussières recouvertes de glace d'eau. Lorsque de telles nébuleuses existent, contenant beaucoup de glace d'eau, on parle de nuages hydratés.
La naissance du Système solaire : d'une nébuleuse hydratée à un système complexe
La nébuleuse protosolaire devait se trouver dans le voisinage d'une supernovae dont l'explosion a probablement provoqué une libération d'énergie telle que le nuage s'est partiellement effondré sur lui-même, amorçant la naissance de notre Soleil.
La matière a alors commencé à tourner de plus en plus vite autour de notre étoile jeune et encore relativement froide, formant un disque proto-planétaire autour du Soleil.
Les poussières se sont alors percutées, encore et encore, s'agglomérant durant une phase que l'on appelle l'accrétion. Ainsi, les poussières sont devenues des blocs de roches que l'on appelle des comètes et des astéroïdes. Ils ont grossi par collisions successives jusqu'à atteindre la taille et la masse de petites planètes : les planétésimaux. Ce sont des proto-planètes, des planètes en formation.
Il est intéressant de noter que durant cette phase d'accrétion et donc dès les premiers stades de formation des planètes, les corps célestes se percutant sont déjà riches en eau. N'oublions pas que le nuage protosolaire était hydraté, donc que les poussières étaient majoritairement recouvertes d'une gangue de glace d'eau.
Les planétésimaux se forment par collisions répétées, provoquant des augmentations de températures intenses. De larges dégazages se produisent durant toute la phase d'accrétion. L'hydrogène et l'hélium s'échappent, de même que l'eau (entre autres) sous forme de vapeur, et partent vers les confins du système solaire. Ces gaz seront notamment captés par les géantes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune).
Cependant, l'eau n'est pas présente uniquement sous forme de glace. En effet, lorsque les collisions se produisent, le réchauffement induit fait, certes, fondre la glace, mais fait également réagir cette eau avec les minéraux anhydres (ça signifie qu'ils ne contiennent pas d'eau justement) entraînant la formation d'argile. C'est donc dans ces argiles qu'une grande partie de l'eau de notre Système solaire va être piégée. Et on retrouve ces argiles datées des premiers stades de formation de notre Système solaire dans les météorites carbonées appelée des chondrites carbonées.
Et là, il faut bien comprendre ce qu'il se passe. On a des roches qui tournent autour d'une étoile qui se réchauffe et grossit. Ces roches sont riches en eau mais les collision répétées durant la phase d'accrétion entraînent un dégazage et la perte de volumes d'eau phénoménaux. Donc même si, dès les premiers stades de formation des planètes, des océans d'eau liquide ont pu commencer à se former, et c'est une des hypothèses concernant la Terre, chaque nouvelle collision va entraîner la perte de ces proto-océans.
Ainsi, certaines études suggèrent que la Terre a eu au total l'équivalent de trois fois le volume actuel de ses océans.
Bien. Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Il y a environ 4,5 milliards d'années, la Terre est un planétésimal qui mesure environ 60% de son volume actuel, ce qui veut dire qu'elle est déjà un petit peu plus grosse que Mars. Ses dimensions sont suffisantes pour que les forces de gravitation retiennent même certaines des molécules les plus légères et de l'eau liquide doit déjà probablement exister à sa surface. Mais le Système solaire est encore jeune et les corps célestes n'ont pas tous atteint une orbite stable. Un planétésimal appelé Théia orbite autour du Soleil suivant une trajectoire très proche de celle de la proto-Terre. Trop proche, beaucoup trop proche. Théia, dont les dimensions doivent avoisiner celles de Mars, entre en collision avec la proto-Terre.
Théia entre en contact avec la proto-Terre, les deux fusionnent et de larges quantités de matériel sont envoyées dans l'espace. Ces débris commencent à tourner autour de la Terre, entraînant la mise en place d'un disque dont les particules se percutent et s'agglomèrent jusqu'à former un nouveau corps céleste : la Lune.
Théia devait être un corps céleste probablement particulièrement riche en mineaux hydratés, faisant de lui une source importante d'eau. Alors que la Terre refroidit et que l'atmosphère de vapeur de roche, d'eau et d'hydrogène décante, les molécules d'eau libérées condensent et s'accumulent à la surface, formant de nouveaux océans.
De l'eau à la Vie
Bien ! Voilà déjà une sacrée histoire de racontée ! L'eau qui recouvre notre belle planète bleue nous vient donc des poussières stellaires qui erraient dans la nébuleuse protosolaire. Ajoutons que la Terre a la chance de se trouver dans la zone habitable de notre Système solaire : cela signifie qu'elle se trouve juste à la bonne distance du Soleil pour qu'il ne fasse ni trop chaud, ni trop froid et donc que l'eau existe sous ses trois états :
- solide, comme dans le cas de la glace ;
- liquide, comme dans nos lacs, nos océans, nos rivières ;
- ou encore gazeuse, comme la vapeur d'eau présente dans notre atmosphère.
Et la vie dans tout ça ? Où, quand, comment, pourquoi, combien de fois ?
Entre 4,5 milliards d'années et 4,2 milliards d'années, les chutes d'astéroïdes et de comètes deviennent beaucoup plus erratiques, ce qui signifie qu'elles sont plus rares, ce qui permet à la Terre de connaître une période de relative tranquilité. Nous parlons en milliards d'années, donc entre 4,5 et 4,2 milliards d'années, il s'écoule 300 millions d'années !
À titre d'illustration : Les dinosaures ont disparu il y a 65 millions d'années. Ils sont apparus il y a 230 millions d'années ! Le charbon que l'on exploite dans les mines était encore à l'état de forêts de fougères géantes il y a 300 millions d'années !
Autant vous dire qu'une période de relative stabilité de 300 millions d'années, ça laisse largement le temps à la vie de trouver son chemin.
Et justement, c'est ce que l'on suppose : que dès 4,3 milliards d'années avant aujourd'hui, les premiers microorganismes se sont formés. Comment ?
Mélangez des molécules carbonées telles que le CO2 et le CH4, avec des silicates, de l'eau liquide et de l'énergie et vous obtenez une soupe parfaite pour permettre le développement de la vie ! Et où trouve-t-on tous ces ingrédients ? Dans les océans bien sûr ! Mais aussi au niveau des cheminées hydrothermales !
Puis, entre 4,2 et 3,9 milliards d'années s'est produit un évènement qui a probablement détruit toute trace de cette vie primitive : le grand bombardement tardif. C'est ce grand bombardement qui a produit une grande partie de cratères actuellement visible sur la Lune.
Ce n'est qu'après la fin de cet évènement que les premières traces de vie durable ont pu se mettre en place. Vers vers 3,9-3,8 milliards d'années, LUCA, le Last Universal Common Ancestor, s'est formé à partir de molécules organiques abiotiques, donc non vivantes.
Vers 3,5 milliards d'années, des cyanobactéries ont formé des structures qui existent encore aujourd'hui : des stromatolites. Ce type d'organisme se retrouve en Australie actuellement.
Bien des évènements se sont produits entre 3,5 milliards d'années et les premières traces de vie pluricellulaire à corps mou, la faune d'Ediacara, datée d'environ 635 millions d'années avant aujourd'hui, suivie 100 millions d'années plus tard par le développement d'organismes pluricellulaires à corps dur, 541 millions d'années avant aujourd'hui.
Toute une histoire !
Mais le temps s'enfuit et ce sera donc une pochaine fois que nous parlerons de toutes ces étapes extraordinaires qui ont amené au développement de la vie sur Terre telle que nous la connaissons aujourd'hui.