Les enveloppes telluriques
Introduction
Lorsqu'on regarde la Terre, on se rend compte qu'elle présente un relief chahuté et globalement mal connu. À tel point que dès les premières lunettes astronomiques, la surface de la Lune a rapidement été mieux connue que celle de notre Terre. Il y a plusieurs raisons à cela :
- Le fait que nous soyons à sa surface : ne pas pouvoir prendre du recul rend difficile la perception de la forme des continents sur lesquels nous vivons. En attestent les premières cartes réalisées par nos ancêtres. Les continents sont approximatifs et certaines zones sont, pendant longtemps, restées mystérieuses voire inconnues. Comme par exemple sur la carte de droite ci-dessous qui représente la zone Arctique : toute une partie du Québec Arctique et de l'Alaska était encore inconnue au dix-septième siècle (John Franklin a réalisé des missions d'arpentage (ancêtre de la cartographie) dans le domaine boréal pour la Royal Society au début du XIXe siècle).
- Et le fait que la Terre soit recouverte par des océans.
Car si, avec l'envoi des premiers satellites dans l'espace, nous avons pu obtenir les premières images réelles de notre Terre et de la forme de nos continents, ces mêmes satellites ne peuvent hélas pas traverser la couche d'eau qui recouvre une large partie (71% !) de notre planète pour en discerner les formes et reliefs du fond (quoique... sur ces aspects, nous commençons à obtenir des images, notamment dans le domaine côtier, avec les données Landsat (e.g. Jagalingam et al., 2015)).
Bien entendu, des méthodes existent tout de même pour récupérer une partie de cette information. Par exemple, les zones de dorsales, les hauts monts océaniques et les fosses profondes induisent une déformation de la surface de l'eau, un léger bombement ou creux, que les satellites peuvent identifier une fois déconvolués (retirés) les signaux de la houle et du clapot, ce qui permet de savoir à quels endroits se trouvent certains reliefs et d'estimer leur altitude (mais cela ne fonctionne que pour des reliefs fortement marqués).
Sur la Lune, pas d'eau pour cacher les structures : chaque creux, chaque bosse, chaque marque est visible à sa surface. Sans compter qu'il n'y a pas de tectonique des plaques pour venir renouveler la surface lunaire, contrairement à ce qui se passe sur Terre. Elle conserve donc toutes les traces de ce qu'elle a vécu depuis sa formation :
La surface de Mars est également mieux connue que celle de la Terre pour la même raison, l'absence d'océan pour en cacher la surface (et incidemment, l'absence d'une atmosphère épaisse, comme c'est le cas pour Vénus par exemple, dont l'atmosphère dense nous cache la surface de la planète) :
Dans le cas de la Terre, les données issues des images satellites sont plus limitées :
Les océans restent des « zones noires ». Des zones d'inconnu. Et pourtant, en cherchant une seconde sur Google, on peut obtenir une multitude de cartes bathymétriques (des cartes de la topographie du fond marin) sans « difficulté ». Et cette prouesse est possible uniquement grâce au travail de titan effectué par Marie Tharp et Bruce Heezen qui ont compilé des milliers de lignes sismiques obtenues, entre autres, par les sous-marins qui ont arpentés les fonds des mers durant la seconde guerre mondiale et la guerre froide. Leur travail a été mis en valeur par le peintre Heinrich Berann sous la forme d'une carte parue en 1977 :
Carte de Marie Tharp et Heezen, Berann, Heinrich C., Heezen, Bruce C., Tharp, Marie., CC0, via Wikimedia Commons
La précision de cette carte, faite avec des interpolations entre des lignes sismiques simples, est encore aujourd'hui inégalée sur une telle échelle.
Les navires des missions océanographiques (et quelques autres qui naviguent régulièrement à travers le monde et qui ont accepté de contribuer à la recherche) sont équipés de systèmes de sondeurs bathymétriques multifaisceaux sous leur coque, ce qui permet d'obtenir des images de grande précision sur le fond. Des organismes tels que EDMODnet ou GEBCO compilent l'ensemble des données acquises pour produire des cartes plus précises, mais ce ne sont que sur des zones restreintes des océans. Les navires ne peuvent balayer l'intégralité des océans en quelques mois seulement. Il faudra encore des décennies de travail pour y parvenir. Mais toutes ces questions seront développées dans un autre chapitre.
Physiographie du globe
À partir de là, il est déjà possible de tirer une description de la physiographie de notre planète :
- Il existe des dorsales océaniques, parfois médio-océaniques lorsqu'elles se trouvent au centre d'un océan en ouverture, comme c'est le cas par exemple dans l'Atlantique ;
- Il existe des fosses océaniques, dont la plus profonde est la fosse des Mariannes, à plus de 11 020 mètres de profondeur sous la surface ;
- Il y a des îles océaniques au milieu des océans, issues d'un volcanisme de point chaud, comme l'archipel d'Hawaï ;
- Il existe également des îles océaniques nées des dorsales océaniques, comme c'est le cas de l'Islande ou de Jan Mayen.
Coupe schématique de l'océan
Une coupe schématique permet de représenter toutes ces structures océaniques.
En prenant la figure ci-dessous de gauche à droite :
- Le continent présente une chaine de montagnes qui plonge rapidement dans l'océan ;
- ensuite vient une zone plate relativement courte, il s'agit du plateau continental. Ce plateau peut être très étendu, comme au niveau de la Manche, ou très court, comme sur la marge cantabrique.
- Vers 200 m de profondeur, une rupture de pente se produit : c'est le début du talus, une pente relativement forte (généralement entre 2 et 15°, même si elle peut être beaucoup plus forte dans certains endroits) qui descend jusqu'à environ 3 000 m de profondeur.
- Là, il y a une nouvelle rupture de pente, beaucoup plus faible : c'est le glacis continental. Il s'étend généralement jusqu'à 5 000 m de profondeur.
- Ensuite, il y a une fosse océanique, plus ou moins profonde. Caractéristique d'une zone de plongée de la croûte océanique sous la croûte continentale (aussi appelée zone de subduction), les fosses peuvent aller jusqu'à plus de 11 km de profondeur sous la surface de la mer (cas de la fosse des Mariannes).
- Sur notre schéma se trouve ensuite une île volcanique, formée par du volcanisme de point chaud.
- Puis il y a une zone de plaine abyssale correspondant à une zone du fond marin sans trop de perturbations.
- Puis vient une dorsale océanique, cela correspond à la zone par laquelle se crée la croûte océanique : du matériel mantellique (issu du manteau terrestre) chaud remonte à la surface et pousse la croûte de part et d'autre.
- Enfin, à nouveau, il y a une zone de plaine abyssale, puis un glacis, un talus, un plateau et le continent.
Les zones de transition entre le continent et l'océan sont appelées des marges continentales.
La partie droite de la coupe représente une marge continentale passive, sans volcanisme actif, sans chaîne de montagnes ; tandis que la partie gauche représente une marge continentale active, avec du volcanisme, une fosse, une zone de subduction, et une chaîne de montagnes.
La profondeur moyenne de l'océan est de 3 800 m.
Bien que les continents émergées représentent environ 29% de la surface du globe, la chimie des roches du plateau continental (immergé) indique qu'il s'agit de croûte continentale et non de croûte océanique. En conséquence, d'un point de vue géologique, la surface de la croûte continentale est de 36% de la surface terrestre. Le reste correspond à de la croûte océanique.
Cependant, il faut bien comprendre que cette valeur n'a pas toujours été la même dans le passé de la Terre. Elle a changé au fil du temps, ce qui s'explique par la tectonique des plaques.
Structure interne de la Terre
La surface de la Terre est chahutée parce que la Terre est une planète active : sa chaleur interne s’évacue par diffusion. Plus on va en profondeur, plus la température augmente. Le ratio est de 1°C pour 30 m de profondeur, ce qui implique une augmentation de température de l'ordre de 30°C par kilomètre.
Des mouvements de convections rendent mobile la partie externe du globe, c'est ce qu'on appelle la tectonique des plaques : de grandes plaques vont bouger les unes par rapport aux autres. Les séismes et les volcans s’annulent le long des dorsales océaniques, qui définissent les plaques tectoniques. On les appelle aussi les plaques lithosphériques. Les séismes profonds ne sont pas initiés à une profondeur supérieure à 700 km.
Du fait de la convection, les plaques lithosphériques sont mobiles les unes par rapport aux autres et vont générer séismes, volcans… La plus grande est la plaque Pacifique. Nous, en France, nous sommes sur la plaque eurasienne.
C'est par les manifestations géologiques telles que les séismes que les géophysiciens ont pu établir la structure interne du globe :
Les ondes sismiques se propagent dans les différentes couches profondes et sont enregistrées sur les sismographes. C'est en analysant la vitesse des ondes sismiques, appélées ondes P et ondes S, que les géophysiciens sont parvenus à déterminer la nature des enveloppes internes. Si les ondes P peuvent circuler dans les fluides comme dans les solides, les ondes S disparaissent dans les fluides.
La vitesse des ondes augmente quand la densité augmente. Donc toute variation de vitesse implique un changement de densité et chaque changement de densité implique un changement de couche.
- Ainsi, la surface se compose de la croûte, ne dépassant 30 à 80 km d'épaisseur pour la croûte continentale et 5 à 10 km pour la croûte océanique.
- Puis vient la lithosphère, qui comprend la croûte et la partie supérieure rigide du manteau supérieur.
- Entre la croûte et la lithosphère, vers 35 km de profondeur en moyenne, la discontinuité est appelée le Moho.
- Puis, il y a le manteau supérieur ductile (capable de se mouvoir) appelé l'asthénosphère.
- La limite entre la lithsphère et l'asthénosphère se situe autour de 100 km de profondeur.
- Puis vient la limite entre l'asthénosphère, ductile, et le manteau inférieur rigide, vers 700 km.
- Le manteau inférieur s'étend jusqu'à 2900 km environ, au niveau de la limite de Gutenberg.
- Sous 2 900 km, c'est le noyau externe liquide, qui entoure la graine. Il se compose essentiellement de fer et nickel liquides.
- Vers 5 100 km, la discontinuité de Lehmann marque le passage dans la graine solide, jusqu'au centre de la Terre. La graine est solide en raison des fortes pressions au centre de la Terre. Elle se compose essentiellement de fer et nickel solides.
Le noyau externe est purement liquide et donc animé de courants de convection. Ce noyau ferronickel liquide circule autour de ferronickel solide, ce qui va générer un courant électrique induit, formant un courant magnétique induit, et créer ainsi le champ magnétique terrestre.