Les paramètres de Milankovitch
Cette histoire est longue et riche ! Le site Planet Terre de l'ENS de Lyon est particulièrement bien écrit sur la question. Donc pour aller plus loin, n'hésitez pas à vous rendre sur leur site !
Pour comprendre les climats qui régissent notre Terre, il faut comprendre d'où provient l'énergie qui a permis à la Vie de se développer, aux saisons d'exister, à l'alternance des périodes glaciaires et interglaiaires de se mettre en place. Et le mystère n'est pas bien grand : l'énergie responsable de tout cela est issue de notre étoile, le Soleil. C'est l'énergie solaire.
Bien entendu, elle n'est pas seule en jeu. L'énergie terrestre, issue de l'activité de notre propre planète, joue également un rôle important (cf. le chapitre sur le bilan radiatif). Mais sans la proximité de notre étoile, et même sans sa distance parfaite par rapport à nous (ou plutôt, sans la distance parfaite de notre Terre par rapport au Soleil), les conditions atmosphériques et climatiques que nous connaissons ne seraient pas du tout les mêmes.
Le flux d'énergie solaire incidente : moteur de la dynamique de notre climat
La Terre reçoit chaque année un certain flux d'énergie solaire. C'est par ce flux d'énergie incidente (ou d'énergie entrante si vous préférez), que les paramètres caractérisant notre climat se mettent place. C'est-à-dire que la Terre vit une période glaciaire ou interglaciaire. Mais de quoi dépend ce flux d'énergie solaire entrante ?
La réponse est simple : des paramètres orbitaux ! Bon, d'accord, ce n'est peut-être pas si simple que cela... Alors développons un peu la question histoire de rendre ça plus intelligible.
Les paramètres orbitaux sont également appelés les paramètres de Milankovitch, ou cycles de Milankovitch. Même si les appeler ainsi est en fait une francisation du nom d'origine du chercheur qui les a établi : Milutin Milankovic (ou pour les intimes), né en Autriche-Hongrie en 1879.
Milutin Milankovic (ou Milankovitch), extraordinaire savant Serbo-Croate pour l'étude des paléoclimats
Né en 1879 à Vienne, en Autriche, c'est en 1904, à l'âge de 25 ans, que Milutin Milankovitch obtient son doctorat en Sciences Techniques de l'Université Technique de Vienne. Il s'installe à Belgrade, en Serbie, en 1909 pour devenir assistant en mathématiques appliquées à l'université.
En 1914, l'Autriche-Hongrie déclare la guerre au royaume de Serbie pour de sombres histoires de double monarchie (source : Wikipedia). Si cette guerre mènera ces pays balkans à leur dislocation, elle aura aussi des conséquences tout à fait inattendues pour les sciences de la Terre et du climat. Et notre ami Milutin, vous vous en doutez, n'y sera pas pour rien...
Dès 1914, au début de la guerre, Milutin Milankovitch est fait prisonnier et il restera enfermé jusqu'en 1917. Doté d'un esprit brillant, désoeuvré dans sa cellule, Milankovitch passe le temps en réfléchissant. Il a en tête les lois de Kepler et décide d'essayer de déterminer de quelle façon l'ensemble des mécanismes astronomiques qu'il connaît peuvent s'agencer et fonctionner pour expliquer la variabilité des climats. Ne disposant ni de papier ni de crayon, Milankovitch recouvre les murs de sa cellule de ses pensées, calculs et théories. C'est au cours de ces années d'enfermement qu'est née la théorie astronomique des climats !
Pour démontrer la réalité de cette théorie, Milankovitch entreprendra de nombreuses recherches, essentiellement mathématiques, jusqu'à la publication de son premier ouvrage sur la question : la Théorie astronomique des climats, paru en 1941. Il n'aura de cesse d'approfondir ses recherches et d'améliorer la connaissance du monde scientifique sur les climats du passé jusqu'à sa mort, en 1958.
Malheureusement, tout comme pour Wegener, ses théories ne seront réellement prises en compte dans la communauté scientifique que plusieurs années après sa mort, dans les années 1970-1980.
Les trois paramètres orbitaux de Milankovitch
Milankovitch a donc supposé l'existence de trois paramètres orbitaux majeurs ayant une influence sur le climat de la Terre.
1 - L'excentricité
La Terre fait un tour complet de notre Soleil en un peu plus de 365 jours (365 jours 6 heures et un peu plus de 14 minutes d'après l'Agence spaciale canadienne si vous voulez tout savoir). Si Kepler avait déjà émis l'hypothèse que les planètes orbitaient autour du Soleil suivant une ellipse, Milankovitch, pour sa part, y intègre une nuance : l'excentricité.
« L'excentricité mesure le degré d'aplatissement de l'orbite terrestre autour du Soleil. Elle n'est pas stable au cours du temps mais passe d'une valeur nulle (orbite circulaire) à une valeur maximale d'environ 0,07 (ellipse légément aplatie) selon deux périodes d'environ 100 000 et 410 000 ans (Brahic et al., 2006). »
Lorsque l'ellipse prend la forme d'un cercle parfait, les contrastes saisonniers sont fortement réduits.
2 - L'obliquité de l'écliptique
La Terre tourne sur elle-même en plus de tourner autour du Soleil. Cette rotation sur elle-même s'effectue en un peu plus de 23 heures et 56 minutes, ce qui correspond à la durée d'une journée. Elle a donc un axe de rotation autour duquel elle tourne mais, contrairement à ce que l'on pourrait croire, cet axe n'est pas vertical mais incliné : c'est ce qu'on appelle l'obliquité de l'écliptique.
« L'inclinaison de l'axe de rotation par rapport à la normale au plan de l'écliptique, appelée obliquité de l'écliptique, varie entre 22°02' et 24°32' selon une période de 41 000 ans (Brahic et al., 2006). »
Actuellement, l’inclinaison de l'axe de rotation de la Terre est de 23,45°. Cette inclinaison a des conséquences importantes sur le climat : plus l'inclinaison est forte, plus la quantité d'énergie solaire incidente varie latitudinalement, et donc plus les contrastes sont marqués entre les hautes et les basses latitudes. Ainsi, actuellement, la quantité d’énergie solaire incidente la plus forte arrive au niveau des tropiques.
3 - La précession des équinoxes
Le troisième et dernier paramètre présenté ici joue sur l'intensité du contraste saisonnier : la précession des équinoxes. Comprendre ce paramètre est peut-être un peu plus complexe que les deux autres, néanmoins ne vous en faites pas, ce n'est pas non plus le bout du monde ! Quoique...
Si l'on regarde l'axe de rotation de la Terre au cours du temps, il ne reste pas parallèle à lui-même mais tourne sur lui-même dans le sens horaire en formant un cône, un peu comme une toupis lorsqu'elle commence à perdre l'équilibre. Mais bien entendu, le mécanisme en jeu est bien différent. Notre Terre n'est pas sur le point de "perdre l'équilibre" avant d'arrêter de tourner et de choir sur un flanc, ne vous en faites pas !
En fait, la force responsable de ce mouvement particulier est l'attraction gravitationnelle qu'exercent la Lune et le Soleil sur la Terre... et le fait que notre planète bleue ne soit pas parfaitement ronde mais légèrement ellipsoïde (et même patatoïde si on regarde quelques paramètres supplémentaires) : la force centrifuge induit une accumulation de masse au niveau de l'équateur qui forme donc un léger « bourrelet » à cet endroit. À l'inverse, au niveau des pôles, la Terre est légèrement aplatie. C'est sur ce bourrelet que l'attraction de la Lunce et du Soleil jouent.
N.B. : soit dit en passant, il y a bien des choses à raconter sur cette forme assez "patatoïde" de la Terre qu'on appelle un géoïde dans le jargon. Il ne faut pas prendre au pied de l'oeil (ah ah !) les formes très irrégulières que l'on peut facilement trouver sur internet : ce sont des images aux proportions très fortement exagérées afin de pouvoir distinguer les anomalies de masse et autres éléments étudiés. Vue de l'espace, la Terre est ronde. La Science nous permet de voir que cette rotondité n'est pas parfaite ^_^ Un chapitre verra le jour sur le sujet dans quelques mois.
Pour bien comprendre, il faut voir que ce paramètre est en partie une résultante du déplacement de l'axe de rotation de la Terre au cours du temps. En effet, comme l'axe de rotation bouge (on l'a vu avec l'obliquité), la position de la Terre au moment des solstices et des équinoxes change aussi. Cette variation minime à l'échelle humaine induit pourtant un décalage des équinoxes d'environ 26 minutes chaque année : l'équinoxe de l'an prochain se produira environ 26 minutes plus tôt que l'équinoxe de cette année ! Et cette phrase est toujours vraie, que ce soit pour les solstices ou les équinoxes ! Enfin, sauf le jour où la galaxie d'Andromède sera suffisamment proche pour provoquer des perturbations majeures, mais a priori, il nous reste près de 4 milliards d'années avant que cela ne se produise. Sachant que la Terre a tout juste un peu plus de 4,56 milliards d'années, on a le temps de voir venir !
L'axe de rotation forme donc un cône suivant deux périodes : l'une de 19 000 ans et l'autre de 23 000 ans, soit une période moyenne de 21 500 ans. Cette variation est d'importance pour expliquer l'alternance des périodes glaciaires et interglaciaires.
Enfin, il ne manque d'être intéressant de remarquer que les variations de la précession sont modulées en amplitude par les variations d'excentricité de l'orbite terrestre, comme vous pouvez le constater sur la figure ci-dessous.