The Origin of Water on Earth
L'origine de l'eau sur Terre
François Robert
Science, 2001
https://doi.org/10.1126/science.1064051
Pour citer cet article :
Robert, F. (2001). The origin of water on Earth. Science, 293(5532), 1056-1058.
Les analyses isotopiques du deutérium sur l'hydrogène (D/H) suggèrent que l'eau sur Terre provient de l'eau piégée dans les argiles des météorites.
Il y a quelques 4,56 milliards d'années, le Soleil et les planètes de notre Système solaire se sont formés à partir d'une nébuleuse protosolaire, un disque tournant sur lui-même composé de gaz et de poussières comprenant essentiellement des molécules d'hydrogène et d'hélium.
Les hypothèses supposent une composition isotopique homogène dans l'ensemble de ce disque protosolaire. Et pourtant, l'hydrogène de l'eau sur Terre présente une composition isotopique très différente de celle de notre Soleil primitif (voir la figure ci-dessous, Geiss & Gloackler, 1998) :
- Le rapport deutérium/hydrogène (D/H) pour la Terre = 149±3 x 10-6 (déduit du volume global),
- Alors que le rapport deutérium/hydrogène (D/H) pour le Soleil = 20±4 x 10-6 (déduit des vents solaires enregistrés dans les sols lunaires).
C'est à partir de cette différence de composition isotopique qu'a émergé la question de l'origine de l'eau sur Terre.
Un premier indice nous vient des météorites carbonées, les objets les plus primitifs de notre Système solaire qu'il soit possible d'étudier en laboratoire. Ces corps contiennent deux porteurs d'hydrogène distincts :
- L'hydrogène organique, présent dans les structures macro-moléculaires. Cet hydrogène a montré un enrichissement sytématique en deutérium par rapport à la Terre, avec un ratio atteignant 380±10 x 10-6 (Halbout et al., 1990).
- L'eau présente dans les minéraux argileux. L'hydrogène présent dans cette eau a une composition isotopique en D/H beaucoup plus proche de celle de la Terre (voir la figure ci-dessous) (Deloule & Robert, 1995).
L'enrichissement en deutérium dans la matière organique des météorites est interprétée comme une relique des réactions chimiques interstellaires qui se sont produites peu de temps après que les planètes se soient formées. En analogie avec cette théorie de formation de la matière organique, l'origine de l'eau dans le Système solaire est imputée à des processus interstellaires.
Pour autant, le ratio D/H de la glace interstellaire est toujours inconnu et une source de débat (Teixera et al., 1999) (N.B. : lors de la rédaction de cet article, en 2001).
Une théorie suggère que la glace synthétisée à 10 K par des réactions ioniques dans le milieu interstellaire est enrichie en deutérium, avec un ratio atteignant 10-2 (Brown & Millar, 1989).
Ajoutons que l'eau des comètes présente encore une composition isotopique différente. Lorsqu'elles approchent du Soleil, une partie de l'eau qui les compose se vaporise et il devient alors possible de faire une analyse spectroscopique sur cette vapeur d'eau.
Les résultats montrent un ratio D/H = 310±40 x 10-6, soit nettement supérieur au ratio de l'eau terrestre. Ce qui suggère que les comètes n'ont que peu contribué à l'accumulation de l'eau dans nos océans (<10%).
Dans tout cela, qu'est-ce qui a provoqué les variations dans le rapport D/H de l'eau du Système solaire ?
Les modèles portant sur l'évolution de la nébuleuse protosolaire indiquent qu'une fois que les grains de glace interstellaire sont entrés dans la nébuleuse, ils se vaporisent. Ce qui libère dans la nébuleuse une eau riche en deutérium. Des échanges isotopiques se produisent avec l'hydrogène moléculaire présent dans la nébuleuse, ce qui réduit le rapport isotopique D/H de l'eau. Comme la température de la nébuleuse décroît avec le temps, la vapeur d'eau condense en grains de glace microscopiques dont le ratio D/H va décroissant en se rapprochant du Soleil.