Le projet Iconopastt : Une mémoire citoyenne pour le bas-Médoc
Vous trouverez ici le contenu audio de cet article lu par Terres du Passé :
Bonjour à toutes et à tous et Bienvenue !
Aujourd’hui, Terres du Passé vous propose de découvrir un sujet un peu particulier : le projet .
I. Le projet de Sciences participatives
, c’est un projet porté par le laboratoire EPOC de l’Université de Bordeaux et notamment par Frédérique Eynaud, enseignante-chercheuse, en collaboration nationale avec plusieurs universités et locale avec l’UMR (Unité Mixte de Recherche) Ausonius et le BRGM.
L’objectif de ce projet est de :
« Retracer l’évolution rétrospective d’un territoire littoral particulièrement vulnérable, la péninsule du bas-Médoc. »
Autrement dit, ce projet vise à raconter l’histoire passée de la presqu’île nord-Médoc (N.B. : le bas-Médoc correspond à toute la pointe médocaine, au nord, en opposition avec le haut-Médoc, proche de Bordeaux, au sud) dans le contexte de son environnement côtier particulièrement fragile car soumis à l’érosion et aux modifications d’ensablement par les courants marins, mais aussi par le vent et les épisodes de tempêtes et submersions marines. Iconopastt vise à collecter des documents iconographiques du dernier siècle, mais s’inscrit dans un contexte historique bien plus large, notamment lié à un projet de recherche en cours : le projet Estran soutenu par la région Nouvelle-Aquitaine et co-porté par Florence Verdin du laboratoire Ausonius et Frédérique Eynaud.
II. Contexte historique lointain
Cette histoire a été écrite non seulement par les éléments naturels cités ci-dessus, mais aussi par les populations humaines qui ont vécu là au cours des millénaires et ont pu jouer un rôle dans la morphologie du littoral :
- par des constructions,
- des puits,
- des structures diverses, etc.
Étudier l’évolution des plages du bas-Médoc, c’est donc également étudier l’évolution de ces populations et de leur adaptation à un environnement variable, aussi bien avant la phase de sédentarisation du Néolithique (vers -5 300 ans (source : INRAP)), qu’après. Donc aussi bien durant la phase de chasseurs-cueilleurs nomades que durant la période d’installation des sociétés humaines sur des sites fixes.
La géomorphologie des plages (donc la forme des paysages que nous offrent les plages) nord-médocaines laisse apparaître des formations géologiques que tout géologue qualifierait de “récentes” : en effet, les structures pour lesquelles des datations fiables ont pu être réalisées sont datées de moins de 10 000 ans !
Bon, dans les faits, 10 000 ans à l’échelle humaine, ça représente un certain nombre de générations. Alors replaçons-nous un peu dans le contexte historique et paléoenvironnemental connu.
Il y a environ 50 000 ans, le Pléistocène est en cours, ainsi que la dernière période glaciaire. La mégafaune arpente les territoires médocains, tels que les mammouths (Tastet, 1999) ou les rhinocéros laineux, tandis que le sol du bas-médoc reste gelé durant la saison hivernale.
Il y a environ 10 000 ans, l’Holocène, donc la période chaude actuelle, commence et le réchauffement climatique induit des conditions de vie plus faciles et favorables pour les sociétés humaines, avec le développement d’écosystèmes forestiers riches en arbres fruitiers et la prolifération des proies, la mégafaune étant dans son stade final de disparition et laissant la place à d’autres organismes.
Si, à cette époque, les derniers mammouths arpentaient l’Eurasie (certains endroits reculés du monde ont vu leur population de mammouths perdurer jusqu’à -4 000 ans (source : MNHM)), ces géants des glaces d’autrefois n’habitaient déjà plus que les contes et légendes orales des peuples de nos régions.
Le niveau marin, plus bas de 120 m il y a environ 20 à 19 000 ans, s’est stabilisé au niveau pré-industriel (donc au niveau marin de 1850, avant le début du réchauffement climatique anthropique) il y a environ 6 000 ans.
En conséquence, entre -10 000 et -6 000 ans, période que nous retrouvons en étudiant les plages du bas-Médoc, la remontée de niveau marin qu’ont vécu nos ancêtres a été d’environ 10 mm/an.
Or, aujourd’hui, dans la fin de ce premier quart du XXIe siècle, c’est ce que nous sommes nous-mêmes en train de vivre à court-terme avec le réchauffement climatique : une remontée du niveau marin d’environ 10 mm/an !
Voyez-vous l’intérêt que cela peut avoir d’étudier l’évolution aussi bien de la côte que des populations humaines dans cette zone dans ces conditions particulières ?
III. Une iconographie participative pour reconstruire la mémoire du trait de côte en bas-Médoc
Obtenir des informations sur ce qu’il s’est passé au Néolithique est fascinant, mais au-delà du simple aspect d’enrichissement des connaissances scientifiques, qui pourrait se suffire en lui-même, ce qui reviendrait alors à faire de la “recherche fondamentale”, il existe des aspects pratiques qui se veulent utiles pour essayer de prévoir des trajectoires d’évolution future de notre région.
Cela passe par la comparaison de ce que les archéologues peuvent retrouver durant les fouilles avec l’évolution récente de la côte nord-médocaine.
Et c’est là que le projet Iconopastt trouve son sens : Iconopastt est l’acronyme d’une :
« Iconographie participative pour reconstruire la mémoire du trait de côte en bas-Médoc »
Il s’inscrit dans une démarche de sciences participatives avec une contribution citoyenne au cœur de son alimentation documentaire.
Ce qui signifie que toute personne disposant de photos, d’archives, de cartes, d’éléments anciens retraçant l’histoire de la côte médocaine peut la partager sur le site internet d’Iconopastt ! Il suffit de créer un compte sur le site internet et de cliquer sur ce lien : Partager des photos avec Iconopastt.
Son objectif est donc assez simple, bien que finalement plutôt complexe à mettre en oeuvre : réussir à collecter des images témoins de l’états des plages au fil du temps ou de découvertes à potentiel archéologique, afin de pouvoir retracer l’évolution de la côte sur les derniers 200 ans ou plus (autant dire un grain de poussière à l’échelle de l’Holocène !).
L’idée est de permettre aux habitants de la région d’agir pour leur environnement en partageant leur mémoire, des photographies, des peintures, des cartes postales, etc. qui dateraient de la période pré-industrielle ou postérieure.
Les années 1920, 1940, 1960 etc. sont aussi fascinantes, de même que les périodes récentes des derniers 20 ans avec par exemple, des comparaisons avant/après une tempête ou des épisodes de grandes marées, etc.
Car n’oublions pas que les photos d’aujourd’hui sont les archives de demain !
Tout ça afin de servir à la compréhension collective du changement environnemental en cours et de l’érosion de nos patrimoines naturels et culturels littoraux.