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Introduction au domaine boréal

À l’échelle des temps géologiques, la Terre a connu de grandes variations climatiques avec, notamment, des périodes chaudes dépourvues de glace sur les pôles, appelées greenhouses, et des périodes froides présentant une accumulation de glace sur les pôles, appelées icehouses. Avec la construction des calottes polaires (d’abord australes puis boréales) au Cénozoïque, la Terre est entrée en période icehouse (e.g., Zachos et al., 2001).

Depuis le début du Quaternaire, il y a 2,6 Ma, l’intensification des glaciations boréales a piloté les climats terrestres au travers de variations climatiques plus rapides. Les périodes glaciaires et interglaciaires sont déterminées par la stratigraphie isotopique marine, sur la base du δ18O des tests de foraminifères benthiques contenus dans les archives sédimentaires océaniques.

Cette stratigraphie découpe le temps en Marine Isotopic Stages (MIS), indicateurs en première approximation des variations du volume de glace (e.g. Rosell-Melé et al., 1997 ; Vidal et al., 1997. ; Gouzy et al., 2004 ; Lisiecki & Raymo, 2005 ; Peck et al., 2007).

La zone arctique a commencé à attirer une attention accrue des chercheurs en 2005, lorsque le couvert de glace de mer estival a atteint sa plus petite extension depuis le début des enregistrements, soit depuis 1979 (Serreze et al., 2019). La banquise et la glace saisonnière n’ont, depuis lors, fait que décroître en extension et en épaisseur, comme se réduisait chaque année un peu plus le couvert de glace pérenne dans l’archipel du Grand Nord Canadien (Figure 1).

Extension de la glace de mer en 2019 en Arctique

Figure 1 : Extension de la glace de mer en Arctique d'après les informations du National Snow and Ice Data Center (NSIDC).

Cet élément a amené des groupes d’experts à se pencher sur le fonctionnement de la zone arctique, sur le rôle de l’Homme dans les changements climatiques et dans le réchauffement atmosphérique. Ce dernier serait en cours depuis au moins la révolution industrielle, il y a 170 ans, voire même depuis les premiers stades de l’agriculture, 7 ka cal BP (Ruddiman & Thomson, 2001 ; Crutzen, 2002 ; Ruddiman, 2003, 2017 ; Hald et al., 2004 ; Pachauri et al., 2007, Zalasiewicz et al., 2018).

Situées entre l’océan Atlantique, au sud, et l’océan glacial Arctique, au nord, les mers nordiques sont une zone tampon pour les échanges de masses d’eau entre ces deux océans. Ces mers (d’Islande, de Norvège et du Groenland) sont une zone clé dans le fonctionnement et le maintien de la circulation océanique globale, donc de la répartition de la chaleur, et par conséquent, dans l’évolution du climat (Seidov et al., 1996 ; Kleiven et al., 2003 ; Elmore et al., 2015).

La compréhension de la réactivité de la zone boréale face aux variations climatiques globales devient alors essentielle et passe notamment par l’étude des périodes climatiques passées. De fait, les différents bassins sédimentaires de ce secteur y ont été étudiés plus ou moins en détail au cours des cinq dernières décennies (e.g. Gairaud et al., 1978 ; Richardsen et al., 1991 ; Giraudeau et al., 2004 ; Verplanck et al., 2009 ; Rebesco et al., 2011 ; Aagaard-Sørensen et al., 2014 ; Laberg et al., 2018 ; Tian et al., 2020).

De nombreuses carottes sédimentaires y ont été prélevées, ainsi que des forages Ocean Drilling Program (ODP) (e.g. ODP site 642, 910) et Deep Sea Drilling Project (DSDP) (e.g. DSDP site 338, 344), permettant de multiples progrès sur la connaissance de ces mers (fonctionnement sédimentaire des bassins, analyses des masses d’eau, étude de l’évolution des courants, étude de comportement de la glace de mer et des calottes, études des évènements climatiques de plus ou moins grande amplitude et durée…).

Les périodes de temps analysées représentent généralement les derniers 160 à 30 ka BP (e.g. Laberg et al., 1999 ; Candy et al., 2014 ; Pope et al., 2016-2018), bien que quelques études portent sur de plus grandes périodes de temps, telles que les analyses des sites ODP et DSDP (>900 m sous le fond marin, jusqu’au Paléocène/Eocène, e.g. Bauch et al., 2000 ; Riedel et al., 2006 ; Balestra et al., 2015, Channell et al., 2016 ; Laberg et al., 2018).

Les mers nordiques (60-80°N) correspondent aux mers péri-arctiques connectées à l’océan Atlantique Nord.

Elles sont ceinturées par le Groenland à l’ouest, la Norvège et la Nouvelle Zemble à l’est et au nord-est, et par l’archipel du Svalbard au nord. Ayant commencé leur ouverture au cours de l’anomalie magnétique Chron 21, depuis 55 Ma (Sibuet et al., 2012), ces mers sont scindées par plusieurs rides profondes marquant des limites de plaques tectoniques. Ainsi, les rides de Kolbeinsey, Mohns, Knipovich, et Molloy séparent les mers de Norvège et du Groenland. La ride Lena Trough ouvre le détroit de Fram et la ride de Gakkel marque l’entrée dans l’océan glacial Arctique (Figure 2).

Carte du domaine péri-arctique, des mers nordiques du groenland et de norvège

Figure 2 : Carte générale des mers nordiques (d’après e.g. Ó Cofaigh et al., 2006 ; Haflidason et al. 2007 ; IrvalÍ et al. 2016 ; Becker et al. 2018 ; Pope et al., 2018). Zone orange : plaque Amérique. Zone verte : Plaque eurasiatique. JMFZ : Jan Mayen Fracture Zone.

Ces mers se composent de plusieurs bassins, réceptacles des apports sédimentaires en provenance des continents et océans adjacents (Figure 3). Du détroit du Danemark au sud-ouest, au détroit de Fram au nord, sont identifiés (e.g. Ó Cofaigh et al., 2006 ; Haflidason et al. 2007 ; Irvalí et al. 2016 ; Becker et al. 2018 ; Pope et al., 2018) :

  • Le bassin de Blosseville (environ 45 000 km²), dans le détroit du Danemark ;
  • Le bassin nord Islande (environ 120 000 km²) en mer d’Islande ;
  • Le bassin de Norvège (environ 300 000 km²) à l’ouest de la Norvège ;
  • Le bassin du Lofoten (environ 350 000 km²) à l’ouest de la Norvège et longeant la pente de la mer de Barents vers le nord ;
  • Le bassin du Groenland à l’est du Groenland (environ 210 000 km²), scindé en deux par la ride est-groenlandaise ;
  • Enfin, au nord, le détroit de Fram (environ 60 000 km²), faisant la connexion entre les mers nordiques et l’océan glacial Arctique.

L’ensemble de ces bassins se trouve dans les mers de Norvège et du Groenland et représente une superficie totale d’environ 2,3 Mkm². La mer de Barents, mer peu profonde épicontinentale, représente à elle seule une superficie d’environ 1,4 Mkm².

Carte des mers nordiques, périarctiques, et des bassins du lofoten, de blosseville, d'islande, de norvège, du groenland

Figure 3 : Carte des différents bassins composant les mers nordiques (d’après e.g. Ó Cofaigh et al., 2006 ; Haflidason et al. 2007 ; IrvalÍ et al. 2016 ; Becker et al. 2018 ; Pope et al., 2018).

Références Bibliographiques