> Multi-centennial variability of the AMOC over the Holocene: A new reconstruction based on multiple proxy-derived SST records

Multi-centennial variability of the AMOC over the Holocene: A new reconstruction based on multiple proxy-derived SST records

Niveau de difficulté : 5

Retour à la page des articles

Variabilité pluricentenaire de l'AMOC durant l'Holocène : une nouvelle reconstruction basée sur des enregistrements multiproxy dérivés des SST

Global and Planetary Change, Volume 170, pages 172-189, 2018

Ayache M., Swingedouw D., Mary Y., Eynaud F., Colin C.

https://doi.org/10.1016/j.gloplacha.2018.08.016

 

Pour citer cet article :
Ayache, M., Swingedouw, D., Mary, Y., Eynaud, F., & Colin, C. (2018). Multi-centennial variability of the AMOC over the Holocene: A new reconstruction based on multiple proxy-derived SST records. Global and Planetary Change, 170, 172-189.

Résumé

L'Atlantic Meridional Overturning Circulation (AMOC, ou la Circulation de Retournement Atlantique Méridionale) est considérée comme ayant joué un rôle clé dans la variabilité climatique holocène, mais les reconstructions de ses variations restent limitées par les incohérences au sein des différents proxies utilisés. Afin de contourner ce problème, nous proposons une nouvelle méthode statistique pour reconstruire les variations de l'AMOC basées sur des souces d'information multiples, c'est-à-dire 22 proxies d'enregistrements des Sea Surface Temperature (SST, température de surface de la mer) compilés dans l'Atlantique Nord et couvrant l'Holocène (base de données HAMOC).

Notre approche consiste à isoler les modes de variabilité principaux cachés dans l'océan Atlantique par une analyse en composante principale (ACP) et ensuite évaluer leurs liens avec l'AMOC.

Afin d'estimer le niveau de fiabilité et de qualification de notre méthode, nous utilisons une approche pseudo-proxy appliquées aux données issues des observations pour la période 1870-2010, mais aussi des simulations issues des modèles de climats exhaustifs (IPSL-CM5A-LR) où les variations de l'AMOC sont connues.

Dans les observations instrumentales et dans la plupart des simulations, le premier mode de variation des SST issu de l'analyse des ACP dans l'Atlantique Nord peut être lié au forçage radiatif externe, alors que le second mode est un rappel de la variabilité de l'AMOC et de sa signature dans les SST.

En faisant ces calculs sur la période Holocène en utilisant la base de données HAMOC, le premier mode est effectivement bien corrélé avec les changements d'insolation, marqués par un refroidissement général de l'Atlantique boréal depuis 9 ka BP. Le second mode, que nous considérons ici comme une reconstruction standardisée des variations de l'AMOC suivant l'analyse pseudo-proxy dans les modèles de simulation et dans les observations, est globalement en accord avec plusieurs reconstructions indépendantes de la branche profonde de l'AMOC enregistrée dans l'Atlantique Nord.

Sur la base de ces nouveaux index de reconstruction de l'AMOC, nous mettons en exhergue le fait que l'Holocène inférieur a pu être associé à une intensification de l'AMOC, suivie par une tendance générale à l'affaiblissement entre 6-7 ka BP et 2 ka BP, en lien avec la réorganisation hydrodynamique majeure qui s'est produite dans l'Atlantique nord depuis la période mi-Holocène.

Nous trouvons que la période de l'Holocène supérieur est marquée par deux fluctuations, avec un max autour de 4,2 - 5 ka BP, en lien avec des variations court-terme identifiées par des proxies enregistrant la vitesse des Greenland-Iceland-Scotland overflow waters (des eaux de débordement des mers nordiques).


Synthèse détaillée de l'Article

Introduction

La période Holocène dans la région de l'Atlantique Nord se caractérise par une tendance générale au refroidissement (baisse des températures) qui semble être associée à une diminution de la precession orbitale depuis 9 ka BP (e.g. Marcott et al., 2013 ; Fischer & Jungclaus, 2011).

Sur la base de reconstructions paléoclimatiques, l'Holocène peut grossièrement être divisé en quatre périodes (Walker et al., 2012) :

  1. Holocène inférieur, entre 11,7 ka BP et 8-7 ka BP : tendance continue au réchauffement dans l'hémisphère nord.
  2. Holocène moyen chaud, entre 8-7 ka BP et 5-4 ka BP.
  3. Holocène supérieur plus froid, entre 5-4 ka BP et la moitié du 19e siècle (vers 1850 A.D).
  4. Et l'ère chaude industrielle moderne, depuis 1850 A.D. (Ljungqvist, 2011; Wanner et al., 2011; PAGES 2k Consortium, 2013).

Chronologie de l'Holocène

La branche de surface de l'AMOC transporte des eaux de surface chaudes et salées depuis les zones tropicales vers les hautes latitudes de l'Atlantique Nord, où elles se refroidissent, plongent, puis retournent vers le sud en profondeur. Ce fonctionnement aide à maintenir un climat relativement chaud dans le nord-ouest de l'Europe (Jackson et al., 2015) et à cloisonner le carbone entre la surface et le réservoir de l'océan profond (Pérez et al., 2013 ; Swingedouw et al., 2008, 2009).

Courants chauds de l'AMOC

Carte présentant les courants chauds de l'AMOC remontant des latitudes tropicales vers les hautes latitudes (d'après une carte du LOPS).

Courants froids de ISOW, composante descendante de l'AMOC

Carte présentant les courants froids de l'AMOC, la composante ISOW, descendant en plus en profondeur des latitudes polaires vers les basses latitudes (d'après une carte du LOPS).

Aujourd'hui, l'AMOC est nourrie par deux sites de convection principaux, l'un dans les mers nordiques et le second en mer du Labrador (e.g. Quadfasel & Käse, 2007). Les eaux profondes formées dans les mers nordiques traversent les rides Groenland-Islande-Ecosse et cascadent le long de ces rides, entraînant les eaux ambiantes plus profondément dans l'Atlantique nord : c'est un processus de formation des eaux profondes.

2/3 des eaux profondes de l'AMOC viendraient de la zone des mers nordiques alors qu'1/3 viendrait de la mer du Labrador, tendance qui irait tout doucement en s'inversant depuis 7 ka BP, mais c'est encore mal connu et mal compris (Quadfasel & Käse, 2007).

Matériels et Méthodes

La base de données HAMOC comprend 97 archives paléocéanographiques couvrant au moins la période 2 ka - 10 ka BP. Nous avons sous-sélectionné 22 carottes suivant des critères stricts fonctions de leur position géographique et de la qualification des proxies qui leurs sont associés dans la reconstitution des SST (Figure 1).

Carte représentant les positions des 22 carottes sédimentaires utilisées pour l'étude de Ayache et al., 2018

Figure 1: Carte des carottes sédimentaires compilées avec les proxies de SST (Eynaud et al., in prep) où les points rouges représentent les foraminifères, les points verts représentent les alkénones, et les points bleus représentent le Mg/Ca (Ayache et al., 2018).

Trois types de proxies sont utilisés pour cette étude, tous relatifs des SST annuelles :

  • Les alkénones,
  • Les assemblages de foraminifères planctoniques et de kystes de dinoflagellés (par la technique de l'analogue moderne (Modern Analogue technique (MAT))),
  • Les analyses de Mg/Ca sur les coquilles monospécifique de foraminifères planctoniques.

Pour les modèles, dans un premier temps, une simulation de contrôle pour 1 000 ans a été réalisée pour les conditions pré-industrielles (Escudier et al., 2013). En plus, un jeu de simulations historiques consistant en un ensemble de trois simulations pour la période 1850-2005 a également été utilisée. Les forçages externes utilisés pour les simulations historiques comprennent l'augmentation observées des gaz à effet de serre, les concentrations en aérosols aussi bien que l'ozone stratosphérique et les changements de l'utilisation des sols, et estiment les variations de l'irradiance solaire et des éruptions volcaniques (se référer à Dufresne et al., 2013 pour plus de détails).

Résultats

Modes de varibilité des SST dans l'Atlantique par la reconstruction HadISST

La figure 2 présentée ci-dessous montre les deux premières fonctions empiriques orthogonales (Empirical Orthogonal Function, EOF) des SST moyennes annuelles pour le bassin de l'Atlantique Nord (0-60°N) pour la période 1870-2015, et les composantes principales correspondantes.

Fonctions empiriques orthogonales de reconstructions des SST moyenne dans l'Atlantique nord suivant le modèle HadISST pour la période 1870-2015

Figure 2 : Analyse de l'analyse en composante principale (ACP) des données HadISST avec la fonction empirique orthogonale (EOF) sur la gauche et les séries temporelles en composantes principales sur la droite. Le premier mode est présenté sur le premier panneau (a et b) et le second mode sur le second panneau (c et d). La courbe en pointillés noirs dans le graphe b correspond au forçage radiatif global (pour avoir le détail complet de cette figure, se référer directement à l'article).

Le schéma ressortant de l'EOF1 (Fig.2a) montre un réchauffement général des SST couvrant tout le bassin Atlantique Nord pour la phase positive de la composante principale. En combinant l'EOF1 et sa composante principale (Fig.2a et Fig.2b) une tendance au réchauffement depuis 1900 est clairement identifiable, collant bien avec le forçage radiatif global. Ces résultats semblent principalement liés à l'impact de l'augmentation des forçages radiatifs externes dominés par une augmentation des concentrations de gaz à effet de serre.

Durant les années 60, on remarque une stagnation des données sur le graphique, courte pause dans le réchauffement climatique. Zhang et al. (2016), ayant également réalisé des modélisations de ce type, trouvent des résultats similaires. Une explication cohérente à cette pause dans le réchauffement est la large augmentation des concentrations en aérosols anthropogéniques durant cette période, associée à l'éruption volcanique du Mont Agung (île de Bali en 1963).

À l'inverse, EOF2 a une structure en dipôle (Fig.2c), ce qui implique un signe opposé entre la gyre subpolaire et le passage du Gulf Stream. Cette anomalie des schéma de SST ressemble assez clairement au schéma de variabilité Atlantique pluridécennal comme présenté par Gastineau & Frankignoul (2015), qui est considéré comme lié aux variations de l'AMOC (e.g. Knight et al., 2005 ; McCarthy et al., 2015).

La série temporelle de la composante principal PC2 (Fig.2d) doit donc refléter les variations de l'AMOC observées sur une échelle pluridécennale. Les comparaisons avec les autres modèles et les données enregistrées pour les variations de l'AMOC sont cohérentes avec ces résultats. Dans les années 1970, on observe un minimum assez fort dans la PC2. Cet évènement correspond très probablement à la Great Salinity Anomaly (grande anomalie de salinité, Belkin et al., 1998 ; Belkin 2004). Cette baisse abrupte de salinité dans l'Atlantique Nord a probablement fortement réduit la circulation convective de l'AMOC durant cette période (e.g. Swingedouw et al., 2015).

 Pour voir tous les tests de validation des différents modèles et proxies, se référer directement à l'article.

Discussion

 Chronologie des évènements de l'AMOC

  

chronologie des variations de l'AMOC au cours de l'Holocène

 

L'AMOC joue un rôle clef dans la position de l'ITCZ (Inter-Tropical Convergence Zone ou Zone de Convergence Inter-Tropicale)(Marshell et al., 2014). En conséquences, les variations de l'AMOC que nous avons reconstruites ici peuvent potentiellement être reliées aux migrations nord-sud de l'ITCZ durant l'époque Holocène.

 Chronologie de l'AMOC sur la période de l'Holocène inférieur, holocène moyen et holocène supérieur

Bien que la NAO et l’AMOC soient intrinsèquement liés, nous proposons ici qu ’étant donné la mémoire très limitée de l ’atmosphère, il est plus probable que les changements dans la circulation océanique aient modifié l ’état moyen de la circulation atmosphérique, la faisant ressembler à une phase NAO+, jouant ainsi sur la force de l‘AMOC et de la gyre subpolaire.

Références Bibliographiques