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Spécial Halloween : Sir John Franklin, l'explorateur maudit - Ep04/04

Bonjour à toutes et à tous et Bienvenue pour ce dernier épisode d'une mini-série spéciale Halloween 2022 portant sur Sir John Franklin, l'explorateur maudit !

Exploration 31 oct. 2022

Script de l'épisode

Bonjour à toutes et à tous et Bienvenue pour ce dernier épisode spécial Halloween de !

Aujourd'hui, nous allons découvrir ensemble ce qui a fait de l'expédition Franklin de 1845 le plus grand désastre des expéditions polaires en Arctique.

Les propos que je vais tenir sont une synthèse des diverses recherches ayant été menées au cours des 170 dernières années. Les ressentis des marins, de Franklin ou de Crozier, durant les longs hivernages de 1846 et 1847 qui sont présentés ici, sont romancés sur la base des informations qui ont été recueillies par les chercheurs. Toutefois, en dehors de ces éléments, toute l'histoire que je vous raconte aujourd'hui se base sur les faits trouvés par les explorateurs et les chercheurs. Les références des livres, des articles et des sites utilisés sont disponibles sur le site de mis dans la description (donc, sur cette page).
Certains passages de cette histoire peuvent choquer les âmes sensibles. Les time-codes de ces passages sont indiqués dans la description.

Plongeons dans les ténèbres d'un passé où se mêlent mépris, trahison, mensonge, fraude et maladies. 

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Commençons notre immersion dans la ville de Londres en 1843. John Franklin et sa femme, Lady Jane, reviennent tout juste de la Terre de Van Diemens après 7 années de gouvernance de cette île pénitentiaire.

Amirauté d'Angleterre au 19e siècle

Whitehall de l'Amirauté d'Angleterre au XIXe siècle (dessin de 1835-1845) - Source : Wikipedia commons

Franklin a fait preuve d'initiatives malencontreuses là-bas et ses actes l'ont dépressié aux yeux de la Couronne d'Angleterre, donc, de la Royal Society et de l'Amirauté. De plus, il a 57 ans, il s'est empâté au cours de ses années comme Gouverneur et, ajoutons qu'à cette époque, 57 ans est un âge avancé, surtout pour un explorateur ayant usé son corps dans les contrés hostiles et glaciales de l'Arctique.

John et Jane Franklin - 1845

Lady Jane Franklin dans les années 1840 et Sir John Franklin le jour du départ pour l'expédition Franklin, le 19 mai 1845

Franklin est conscient de tout cela. Pour autant, dès qu'il entend parler de l'expédition d'arpentage, il ne souhaite plus qu'une chose : repartir là-bas. Il a connu par l'Arctique ses plus grandes souffrances et ses plus grandes joies. Bien qu'il ait vieilli, il est persuadé de connaître le domaine boréal sur le bout des doigts et de pouvoir finir ce qu'il a commencé près de trois décennies plus tôt. 

Carte de l'exploration MacKenzie de 1825

Carte de l'expédition MacKenzie de 1825 commandée par John Franklin (source : Wikipedia commons)

Mais John Barrow, le responsable de l'expédition, âgé de 82 ans, ne souhaite pas nommer Franklin qu'il considère trop vieux et inadapté à l'envergure du projet.

En effet, si l'expédition a pour objectif de terminer de cartographier le passage du Nord-Ouest, elle a également celui de l'emprunter d'un bout à l'autre de l'Arctique, faisant ainsi de l'Angleterre le premier pays du monde à rejoindre l'océan Pacifique par le Nord. Un exploit qui démontrera la puissance du royaume !

Il souhaite un commandant charismatique et fort qui puisse faire honneur à l'Angleterre et à la Couronne.

Barrow envisage d'abord William Edward Parry pour cette expédition. C'est un explorateur de 53 ans et il correspond à l'image que le vieil homme souhaite donner de la Royal Society. Mais Parry refuse poliment : il a exploré l'Arctique à de nombreuses reprises et ne souhaite plus affronter ses rigueurs.

Le vieil homme n'est cependant pas prêt à abonner au premier refus. Franklin a beau revenir à la charge, Barrow se tourne vers James Clark Ross, âgé de 43 ans et revenant tout juste d'une mission de 4 ans en Antarctique où il a commandé avec succès l'Erebus et le Terror à travers le terrible océan Antarctique. Mais Ross a promis à sa femme ne plus repartir, il décline donc également la proposition.

Disposant d'autres cartouches, Barrow refuse toujours d'envisager Franklin et propose alors un jeune homme prometteur, James Fitzjames, à l'Amirauté. Mais la Marine Royale ne peut envisager de confier une mission aussi importante à un jeune commandant d'à peine 30 ans n'ayant jamais navigué en Arctique.

Barrow ne se démonte pas et envisage donc de proposer le commandant George Back, vétéran de l'Arctique âgé de 47 ans, à l'Amirauté. Back est l'un des artistes ayant accompagné Franklin au cours de chacune de ses expéditions polaires. Mais la mauvaise santé de l'homme ne lui permet plus d'affronter des conditions si extrêmes.

Le vieil administrateur commence à être à cours de noms et sent qu'il n'aura bientôt plus d'autre choix que de désigner Franklin à tête de l'expédition. D'autant plus que William Parry a donné son soutien à Franklin et fait pression sur Barrow pour nommer l'ancien gouverneur de Van Diemens au commandement de l'Erebus et du Terror.

Barrow envisage un dernier homme, le commandant Francis Crozier, très bon marin, vaillant explorateur des deux océans polaires, très capable pour cette mission, il vient de passer quatre années avec Ross en Antarctique à la tête du Terror... Mais il est d'humble naissance et, de surcroît, d'origine irlandaise. Le vieillard ne peut se résoudre à donner le commandement de l'expédition à Crozier.

Barrow, Parry, Ross, Fitzjames, Back Crozier

Ce n'est donc qu'à regrets et après deux années de luttes et de rejets que Barrow accepte de donner le mandat d'expédition à Sir John Franklin.

Francis Crozier est tout de même de la partie, encore une fois à la tête du Terror et nommé officier exécutif. Enfin, Fitzjames est nommé à la tête de l'Erebus.

Franklin n'a que quelques mois pour préparer son expédition. Il doit constituer un équipage et, contrairement à l'expédition MacKenzie de 1825, il ne trouve que des hommes jeunes et inexpérimentés. Des 134 membres d'équipages sélectionnés pour partir en 1845, seuls quatre hommes ont affrontés les rudesses du domaine polaire : les commandants Franklin et Crozier, et les glaciologues Reid et Blanky.

Ice-Master (glaciologue) Reid (je n'ai pas trouvé d'image ou de photographie du glaciologue Blanky)

Au printemps 1845, un problème de taille se présente : la commande de conserves de nourritures pour l'expédition n'est pas encore faite. Or la nourriture est indispensable à la bonne santé des équipages. Ce n'est que le 1er avril 1845, soit 1 mois et demi avant le départ de l'expédition, qu'un contrat est signé avec un marchand. L'homme a cassé les prix de ses conserves qui ne coûtent que bien peu à l'Amirauté. Les cales des deux navires sont remplies avec ces conserves à bas prix. 

L'Amirauté n'a de cesse de clamer que cette expédition est la plus technologiquement avancée de leur époque. Mais les choses se révèlent moins évidentes lorsqu'on les regarde en détails.

En effet, les navires sont équipés de plaques de métals renforçant les coques et de poutres lourdes destinées à mieux résister à la glace de mer. Des gouvernes de direction à hélices métalliques sont ajoutées à la poupe ainsi que des machines à vapeur puissantes dans le ventre des navires, auxquelles sont ajoutées des réserves de charbon. Mais tous ces éléments alourdissent fortement les bâtiments et le charbon ne peut être stocké qu'en quantité limitée.

Les machines à vapeur sont supposées avoir la puissance propulser l'Erebus et le Terror à 3 ou 4 noeuds en mer et elles devraient permettre de repousser la glace de mer dérivante.

Cependant, les calculs des ingénieurs n'ont pas pris en compte l'excès de masse induit par tous ces ajouts.

Le 19 mai 1845 débute l'expédition Franklin.  En août 1845, après trois mois de voyage, l'Erebus et le Terror pénètrent dans le détroit de Lancaster.
Les hommes s'aperçoivent rapidement que, pour rendre les machines à vapeur efficaces contre la glace de mer, il leur faut consommer bien plus de charbon que prévu. D'autant que leurs réserves sont destinées à la fois à la propulsion des navires et à leur chauffage. Des réserves qui, dans un environnement où la température extérieure avoisine -40°C, se révèleront bien insuffisantes.

Carte de l'Arctique et du début de l'expédition Franklin en août 1845

Durant l'été 1845 les conditions climatiques en Arctique se révèlent épouventables et la glace de mer dérivante ne fond que très peu durant le court été boréal. L'Erebus et le Terror peinent à se frayer un chemin entre les icebergs et la banquise. Après avoir lutté contre les éléments durant plusieurs semaines éprouvantes, essayant en vain de dépasser les limites de l'île Cornwallis, Franklin décide d'amarrer les navires sur l'île Beechey afin d'hiverner en 1845-1846, dans la partie sud-ouest de l'île Devon.

Carte du premier hivernage 1845-1846 de l'expédition Franklin

Zone d'hivernage de l'expédition Franklin durant l'hiver 1845-1846

Les hommes, pourtant jeunes et en bonne forme en quittant l'Angleterre quelques mois plus tôt, sont presque tous malades. Certains toussent énormément et souffrent de pneumonies, comme le jeune soutier John Torrington, à peine âgé de 20 ans et qui, au début de l'hiver 1845, n'a déjà plus la force de travailler. Il ne mange presque plus, et le peu de nourriture qu'il parvient à avaler lui vrille les entrailles et le fait souffrir plus encore. Il n'est pas le seul dans cet état. L'officier John Hartnell, tout juste âgé de 25 ans, présente les mêmes symptômes, de même que l'officier William Baine, âgé de 35 ans. Tous trois s'affaiblissent de jour en jour alors que la longue nuit de l'hiver arctique étant ses ombres sur les deux navires et sur les hommes qui les occupent.

En janvier 1846, Torrington et Hartnell rendent leur dernier soupire. Franklin et Crozier décident que les deux marins décédés auront un enterrement dans les règles et en janvier 1846, malgré le sol gelé, les marins creusent deux tombes sur l'île Devon.

Franklin aussi est malade. Il a perdu du poids, ses gencives saignent tous les jours à présent, ses dents ne sont plus aussi solidement ancrées dans sa mâchoire, ses cheveux tombent par poignées chaque jour et son ventre le tourmente de crampes régulières et brûlantes. Le chuchotement permanent des rats, dans les cales de l'Erebus, lui donnent l'impression de devenir fou. Et parfois, des voix semblent lui parvenir : celles de ses hommes fomentant une mutinerie.

Le Capitaine Crozier, encore fort et en bonne forme, passe beaucoup de temps avec le vieil explorateur, le rassurant sur les intentions des hommes. Franklin est le Capitaine de cette expédition et tous le respectent. Les choses s'arrangeront avec le retour de l'été et du soleil. Les navires reprendront la mer et, à la fin de l'été 1846, ils franchiront le détroit de Béring et commenceront le chemin du retour pour l'Angleterre où ils reviendront en héros.

Mais, malgré ces paroles rassurrantes, Crozier sent que quelque chose ne va pas. Presque tous les hommes sont en mauvais état. La tuberculose faisait rage en Angleterre au moment du départ de l'expédition et, malheureusement, certains membres d'équipage en sont atteints. La vie en espace clos et réduit a permis à cette maladie de se propager rapidement parmi les hommes. Mais il n'y a pas que cela.

L'assistant chirurgien Harry Goodsir, âgé de 19 ans, et le chirurgien de l'Erebus, Stephen Stanley, sont d'accord avec leurs homologues du Terror : tous les hommes présentent des symptômes du scorbut. Le saignement des gencives, la perte des dents, les hématomes que certains marins arborent sur leurs bras ou leur torse, la fatigue permanente... autant de symptômes qui ne trompent pas.

Pourtant, l'Erebus et le Terror ont, dans leurs cales, des litres de jus de citron et chaque homme en reçoit, chaque jour, 30 mL.  Cela devrait permettre d'éviter cette maladie issue d'une carence en acide ascorbique, ou dit plus simplement, en vitamine C. Mais les réserves de jus de citron ont été mal conservées et l'intégralité du jus a fermenté, lui faisant perdre tout ses bien-faits.

Les commandants Franklin, Crozier et Fitzjames sont mis au courant de cela mais ils n'ont aucun moyen d'action immédiate. Après délibération avec les médecins, tous trois décident de continuer l'expédition : tout peut être terminé en un été. Un seul été, longer la côte arctique canadienne, finir l'arpentage de la côte entre Bronlow point et Icy Cape, puis retrouver les colonies anglaises en Alaska et reprendre des forces. Ils peuvent le faire ! Il doivent le faire.

En avril 1846, Baine succombent à la turberculose et est enterré à côté de Torrington et Hartnell.

Fin juillet 1846, l'Erebus et le Terror parviennent enfin à se libérer des glaces et reprennent leur route en quête du passage du Nord-Ouest. Mais la glace de mer est dense et des icebergs de grande taille menacent en permanence les navires. Ils avancent péniblement vers l'île du Roi Guillaume (King William Island) mais, après plusieurs semaines difficiles, en septembre 1846, ils se retrouvent bloqués, pris au piège par la glace. Franklin, Crozier et Fitzjames sont contraints d'hiverner là.

Franklin est de plus en plus malade. Alors que l'hiver 1846 laisse la place au printemps 1847, l'explorateur est certain que les marins vont se mutiner. Il les entend murmurer dans son dos, il sent leurs regards hostiles sur lui. Il se persuade que James Fitzjames, capitaine de l'Erebus sur lequel il navigue, va s'en prendre à lui. Son ventre est constamment en feu, ses instestins le brûlent, une migraine permanente le taraude et il a perdu presque toutes ses dents. De larges marques voilacées recouvrent son torse et ses cuisses et chaque inspiration lui donne l'impression de se noyer. En juin, le Capitaine Crozier et le jeune assistant chirurgien Goodsir sont les seuls hommes que Franklin accepte encore de voir, persuadé qu'il est, dans toute sa paranoïa, que tous les autres sur les navires lui veulent du mal. Crozier est encore fort, mais lui aussi saigne des gencives et il a déjà perdu plusieurs dents.

Finalement, après une longue agonie, le 11 juin 1847, Sir John Franklin expire. Les hommes se réunissent pour une cérémonie sur la glace : le sol, sur l'île du roi Guillaume, est trop dur et les marins, affaiblis, ne sont pas parvenus à lui creuser une tombe. Ils l'enterrent donc dans l'épaisse couche de glace qui entoure les navires. L'Erebus et le Terror passent alors sous le commandement du Capitaine Crozier.

L'été 1847 est glacial et les navires restent bloqués par la banquise qui ne fond pas.
Crozier et Fitzjames hésitent à partir à pied, mais se soumettre à une telle extrémité revient presque assurément signer la perte de nombreux hommes, car tous sont malades à présent.

Ils ont eu deux années difficiles, il est donc plus que probable que l'été 1848 sera meilleur.

Les médecins du Terror et de l'Erebus se doutent depuis longtemps déjà que les conserves de nourriture, presque leur seule source de nourriture, sont contaminées. Trop de signes de paranoïa, de démence, de faiblesse pour ne pas les mettre sur la piste du saturnisme. Ils ont déjà remarqué que les soudures, faites au plomb, avaient été mal faites. Certaines ont coulée dans la nourriture assurant de mélanger le plomb à leur alimentation, et d'autres sont de si mauvaise qualité qu'il est probable qu'elles aient permis à certaines bactéries de proliférer.
Mais ils n'ont rien d'autre. Les ours polaires ont rapidement appris à se méfier des hommes et se sont éloignés de la zone d'hivernage des navires. La banquise est si épaisse à présent qu'elle ne permet plus aux phoques de sortir. Eux aussi, de toute manière, avaient appris à ne pas approcher des deux navires.

Lorsque l'hiver 1847-1848 touche à sa fin et que commence le printemps 1848, 24 hommes sont déjà morts, dont John Franklin.
La banquise est plus épaisse que jamais et les hommes agonisent à petit feu. Francis Crozier et Fitzjames décident qu'il est temps d'abandonner les navires et de partir à pied en direction de la rivière Back. Ils chargent les maîtres d'équipage Charles Frederick Des Voeux et Graham Gore d'aller déposer une missive indiquant la route qu'ils comptent suivre dans un cairn sur l'île du Roi Guillaume, là où ils ont déjà laissé un message stipulant la mort de Franklin.

Presque tous les marins meurent avant d'atteindre la limite de l'île. Ensuite, il faut traverser un bras de mer gelé afin de rejoindre le continent. Marcher sur le pack ayant fusionné pour devenir de la banquise est laborieux et épuisant. Le sol est fuyant, irrégulier, difficile. Les hommes sont faibles. Les hommes ont faim. Le chien, le chat et le singe que Franklin avait emmené avec lui ont, depuis longtemps, fini dans le ventre des survivants.
Seule une quarantaine d'hommes atteint le continent. Il faut encore marcher jusqu'à l'embouchure de la rivière Back. Là, ils pourront construire des embarcations et remontrer la rivière jusqu'à atteindre un fort... ou à croiser des secours. Les conserves que les marins ont pu emmener avec eux sont terminées depuis longtemps et la faim est une torture. La faim tue autant que le froid.
Qui propose la solution ? C'est sans importance. Personne ne le dira. Les morts ne parlent pas. Et peut-être ont-ils donné leur accord. Personne ne peut le savoir.

Il faut survivre. Il n'y a plus le choix. Pour survivre, il faut manger les morts.

Ce furent, au total, sept hommes qui permirent aux survivants de tenir un peu plus longtemps. Le cannibalisme de survie est un procédé long à se mettre en place et émotionnellement terrible. Les humains que nous sommes devenus ne sont pas naturellement poussés à consommer la chair de leurs paires, et seul le besoin le plus extrême peut nous pousser à de telles... extrémités. Alors, nous procédons pas étape : d'abord, consommer la chair facile d'accès, puis plus profondément cachée, et enfin, un besoin impérieux de calories peut nous pousser à aller chercher la moelle des os. Les restes humains retrouvés dans l'embouchure de la rivière Back témoignent d'un besoin impérieux de se nourrir : les hommes sont allés jusqu'à briser les os afin de les faire cuir pour en extraire la moelle et la graisse osseuse. Un tel procédé ne se retrouve que rarement dans des situations de ce genre et est appelé du canabalisme de stade-final (end-stage cannibalism).

Malheureusement, même ainsi, ce fut insuffisant. Avant la fin de l'été 1848, tous les hommes sont morts. Ou presque. Certains témoignages Inuits amènent à penser que Crozier, peut-être accompagné de Fitzjames et Goodsir sont parvenus à descendre la rivière Back sur 400 km avant de mourir à leur tour.

C'est ainsi que finit l'histoire de Sir John Franklin, l'explorateur Maudit, qui disparut corps et bien avec deux navires et 128 hommes entre terres, mer et banquise dans l'Arctique...

Voici donc, de façon non romancée, les hypothèses émises sur ce que vécurent Franklin et ses hommes :

Les années 1845, 1846 et 1847 se révélèrent particulièrement froides, empêchant la glace de mer de fondre suffisamment pour libérer un passage aux navires qui se retrouvèrent piégés.

En plus de cela, plusieurs maladies frappèrent les marins :

  • la tuberculose, très présente au XIXe siècle et que certains marins amenèrent à bord, la répandant rapidement à tout l'équipage en raison de la promiscuité à laquelle ils étaient contraints ;
  • le scorbut : cette maladie n'aurait pas dû se développer sur les navires en raison des réserves de jus de citrons qu'ils avaient emportés, mais par malchance, il est possible que le jus ait commencé à fermenter et soit devenu inutile à prévenir cette maladie ;
  • le saturnisme : les concentration en plomb rencontrées dans les os et les cheveux des membres d'équipage de l'expédition Franklin indiquent clairement une contamination atteignant pour certains des niveaux mortels. Cette contamination est très sûrement due aux conserves mal soudées au plomb. La technologie permettant de faire des conserves de nourriture était relativement nouvelle, les soudures, en plus d'être imparfaites, dégoulinant le long des parois intérieures des conserves, ont été réalisées avec un mauvais aliage trop riche en plomb. La nourriture a ainsi dû être contaminée très rapidement ; le saturnisme induit a dû provoquer une anorexie, de la fatigue, des faiblesses neurologiques, des coliques intestinales, des manifestations psychologiques telles que l'anxiété et la paranoïa ;
  • et le botulisme : en plus de la contamination au plomb, les conserves mal fermées ont probablement été contaminé par la bactérie Clostridium botulinum, provoquant du botulisme.

Ajoutons que la culture très timorée et les règles de bienséance profondément encrées des gentlemen d'Angleterre les a probablement poussé à refuser de suivre les conseils des Inuits qui croisèrent leur route : celle de s'habiller avec des vêtements en peau de phoque plutôt que leurs tenues réglementaires, de porter des lunettes de bois fendues pour protéger leurs yeux du soleil, etc.

C'est ainsi que se finit l'histoire de l'exploration Franklin, le plus grand désastre de l'histoire des explorations polaires en Arctique.

Joyeux Halloween et à l'année prochaine pour nouvelle histoire horrifique.

Passez une belle soirée et à très vite sur www.terres-du-passe.com !

Références bibliographiques

Preuves de cannibalisme au cours de l'expédition Franklin, 1845, Mays & Beattie, 2016

Wiki de l'expédition de John Franklin de 1845.

Schlienger, Jean-Louis (2020). Le scorbut : d'hier à aujourd'hui. Médecine des Maladies Métaboliques, 14(1), 69–76. doi:10.1016/j.mmm.2019.12.002

Byard, R.W. Death in the Arctic – the tragic fate of members of the Franklin expedition (1845). Forensic Sci Med Pathol 17, 161–166 (2021). https://doi.org/10.1007/s12024-020-00305-5

Kennedy, V. (2006). An Exploration of Canadian Identity in Recent Literary Narratives of the Franklin Expeditions. ELOPE: English Language Overseas Perspectives and Enquiries, 3(1-2), 193–200. https://doi.org/10.4312/elope.3.1-2.193-200

Tuck, James A. Review of Frozen in Time: Unlocking the Secrets of the Franklin Expedition, by Owen Beattie, John Geiger. The Canadian Historical Review, vol. 71 no. 2, 1990, p. 268-269. Project MUSE muse.jhu.edu/article/573529.

Recherche de l'expédition Franklin, L'Encyclopédie Canadienne

Sources images

Sir John Franklin de face, 1830 : partage de courtoisie de la part du British Museum

Sir John Franklin, assis dans un fauteuil, 1842 : partage de courtoisie de la part du British Musuem

Sir John Franklin de trois-quart, 1826-1832 : partage de courtoisie de la part du British Museum

Georges Back âgé : dictionnaire biographique du Canada.

 Jour du départ de l'Expédition Franklin : Illustrated London News - Getty, Public domain, via Wikimedia Commons

Gravure des deux navires avec un petit iceberg : A 19th-century engraving depicting a scene from the lost expedition of Sir John Franklin, under whose command the H.M.S. Terror and H.M.S. Erebus set sail in 1845. Credit...Universal History Archive/Universal Images Group, via Getty Images

Atelier de boîtes de conserves du XIXe siècle : Louis Figuier, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

Dessin de rat : Image by Clker-Free-Vector-Images from Pixabay

Dessin de citron : Image par Abbie Paulhus de Pixabay

Le Terror à côté d'un iceberg immense, dans la baie de l'Hudson en 1840 par George Back, bibliothèque du Canada

 

 

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