Evidence for End-stage Cannibalism on Sir John Franklin’s Last Expedition to the Arctic, 1845
Preuves de canabilasme de dernier stade (end-stage cannibalism) au cours de la dernière expédition de John Franklin en Arctique, 1845
International Journal of Osteoarcheology, 2016
https://doi.org/10.1002/oa.2479
Pour citer cet article :
Mays, S., & Beattie, O. (2016). Evidence for end?stage cannibalism on sir John Franklin's last expedition to the Arctic, 1845. International Journal of Osteoarchaeology, 26(5), 778-786.
L'expédition navale britannique de 1845, commandée par Sir John Franklin afin de cartographier le passage du Nord-Ouest a fini en désastre, sans que personne ne revienne vivant de l'Arctique canadien. Le témoignage des Inuits du XIXe siècle décrit du cannibalisme parmi les hommes de Franklin durant l'agonie finale de l'expédition. De telles déclarations furent controversées à cette époque, mais ont été démontrées dans les années 1980 et 1990, lorsque des marques de couteaux furent identifiées sur des restes humains découverts sur les sites de l'expédition, sur l'île de Roi William (King William Island). Le cannibalisme de survie suit généralement un ordre dans lequel la viande est initialement coupée à partir d'un cadavre intact, mais si davantage de calories deviennent nécessaires, des efforts successivement plus grands sont mis dans la découpe des morts. Le cannibalisme de dernier stade se caractérise par des fractures des os qui sont ensuite mis à bouillir afin de récupérer la moelle et d'extraire la graisse médullaire des cavités médullaires et de l'os spongieux.
L'étude présentée ici implique un ré-examen, par des études macroscopiques et microscopiques, des restes humains (un minimum de 35 os) de l'expédition Franklin. Elle décrit des preuves de cassure et de polissage des bords cassés de certaines parties de quelques os longs. Ces alternances sont interprétées comme des cassures et du chauffage des os dans de l'eau afin de faciliter l'extraction de la moelle. Si cette hypothèse est correcte, elle constitue la première preuve ostéologique de cannibalisme de dernier stade parmi les membres de l'expédition. Des comparaisons de ces découvertes ostéologiques avec les rapports des Inuits du XIXe siècle apportent des preuves supplémentaires de la véracité des descriptions des Inuits sur les pratiques de cannibalisme par les membres de l'expédition.
En mai 1845, deux navires, le HMS Erebus et le HMS Terror, ont quitté l'Angleterre pour une expédition de la Royal Navy vers l'Arctique. Les beateaux étaient sous le commandement de Sir John Franklin. L'objectif de ce voyage était de cartographier la route du passage du Nord-Ouest, la voie marine connectant le nord de l'Atlantique avec le Pacifique par l'Arctique canadien. Aucun des membres de l'expédition n'est revenu vivant.
L'expédition a hiverné en 1845-1846 à Beechey Island (l'île du hêtre) dans le haut Arctique canadien. L'été suivant, ils ont navigué vers le sud et l'ouest à la recherche du Passage. En septembre 1846, les navires étaient une fois de plus confronté à la glace, au niveau de l'île du Roi William (King William Island). La glace ne les a pas libéré l'été suivant. Une note, laissée dans une boîte sur l'île du Roi William, datée de mai 1847, indiquait que tout allait bien. Et pourtant, un addendum (un ajout) daté d'avril 1848 indiquait que 24 hommes (sur un total de 129) étaient déjà morts à ce moment-là, et les hommes restant avaient désertés les navires et essayaient de rejoindre le continent par la Back River (Cyriax, 1939).
Dans les années qui suivirent, John Rae, en 1854, fut l'un des premiers à récupérer des preuves et des témoignages apportés aux missions de recherche par les Inuits locaux indiquèrent que les hommes de Franklin moururent de faim durant leur marche le long des côtes ouest et sud de l'île du Roi William et dans la région de Starvation Cove (la baie de la famine ou la baie de la privation...), sur le continent adjacent (Gibson, 1937 ; Cyriax, 1939 ; Owen, 1978).
Dès 1854, lorsque les premières rumeurs de cannibalisme arrivent en Angleterre, si une petite partie des gens accepte la possibilité comme compréhensible dans des cas d'extrême nécessité, la majorité des hommes et des femmes rejettent cette hypothèse en bloc, la trouvant inacceptable. Le cannibalisme de l'expédition Franklin fut donc généralement passé sous silence durant les recherches et les enquêtes qui suivirent, même encore dans celles du début du XXe siècle (e.g. Owen, 1978).
Ce furent les découvertes des années 1980-1990 qui éveillèrent de nouveau la question du cannibalisme parmi les membres de l'expédition Franklin. En effet, sur les 304 os retrouvés sur l'îlot de la baie d'Erebus, 92 présentaient des marques de couteau, suggérant l'ablation de chair et probablement le démembrement (Keenleyside et al., 1997). D'autres os dotés de marques de la sortes ont été retrouvés dans la baie de l'Erebus jusqu'en 2013 (Stenton et al., 2015).
Le cannibalisme de survie a déjà été étudié et documenté dans des cas récurrents, aussi bien suite à des naufrages que suite à des crashs aériens, etc. Le cannibalisme de survie suit un ordre de fonctionnement dans lequel ce sont les parties des corps qui demandent le moins d'effort qui sont consommées les premières : les zones charnues, les muscles longs. Lorsque le besoin de calories augmente, les survivants en arrivent à utiliser le démembrement puis, finalement, dans les cas les plus extrêmes, à aller chercher les dernières ressources cachées dans la moelle des os (Read, 1974 ; Turner & Turner, 1999 ; Rautman & Fenton, 2005).
Discussion et conclusions
Quatre types de longs os montrent des fractures diaphysiques curvilignes avec des surfaces cassées adoucies et des rebords effilés. Même séils ne sont pas concluants, ces éléments suggèrent que la fracturation s'est produite alors que les os étaient encore frais. Toutefois, les conditions froides de l'Arctique peuvent conserver un état mécanique "frais" des os durant une plus grande période de temps que dans des conditions de températures normales. Il n'est pas impossible qu'un écrasement par un gros animal, que l'alternance gel-dégel ou que des mouvements de la glace aient produit de telles fractures avant que les os aient perdu leur élasticité naturelle. Même si ce type de fracture correspond à l'acte volontaire de briser un os pour en récupérer sa moelle, les processus taphonomiques (processus naturels produits après la mort) ne peuvent être écartés.
des traces d'abrasion et de polissage sur certains morceaux d'os sont assez surprenant. L'analyse poussée et détaillée rejette avec une forte certitude l'action de l'érosion, de l'abrasion naturelle, mécanique, de ces os polis. Les résultats montrent que ces éléments seraient plus probablement dus au frottement des cassures contre les parois de métal d'un récipient de cuisine en métal ou en céramique. Le simple fait de cuir les os dans une marmite est insuffisant pour produire un tel polis. Il faut remuer régulièrement l'os pendant au moins 20 minutes pour qu'il frotte contre les parois et s'abrase.
En 1859, de grands récipients de cuisine ont été retrouvé dans d'anciens camps abandonnés par les membres d'équipage des navires.
Sur l'ensemble des études menées sur les os des membres d'équipage retrouvés en Arctique, 102 os, correspondant à 7 individus différents, montrent des traces de cannibalisme.