Freshwater influx to the Eastern Mediterranean Sea from the melting of the Fennoscandian ice sheet during the last deglaciation
Apports d'eau douce dans la mer Méditerranée orientale par la calotte Fennoscandie durant la dernière déglaciation
Tristan Vadsaria, Sébastien Zaragosi, Gilles Ramstein, Jean-Claude Dutay, Laurent Li, Giuseppe Siani, Marie Revel, Takashi Obase & Ayako Abe-Ouchi
Scientific Report, 12:8466, 2022
https://doi.org/10.1038/s41598-022-12055-1
Pour citer cet article :
Vadsaria, T., Zaragosi, S., Ramstein, G. et al. Freshwater influx to the Eastern Mediterranean Sea from the melting of the Fennoscandian ice sheet during the last deglaciation. Sci Rep 12, 8466 (2022). https://doi.org/10.1038/s41598-022-12055-1
Entre le dernier maximum glaciaire et l'Holocène moyen, la mer Méditerranée a connu des changements hydrologiques majeurs. Le dépôt du dernier sapropèle, S1, durant l'Holocène inférieur est une conséquence de ces changements. Afin de finir par produire une anoxie des eaux de fond dans la mer Méditerranée Orientale (Eastern Mediterannean Sea, EMS), une longue période de pré-conditionnement (de quelques milliers d'années) a dû avoir lieu durant la déglaciation avant le S1. Ces eaux douces sont généralement supposées issues de l'Atlantique nord, enrichies ensuite par la période humide africaine (African humid period, AHP).
Ici, nous nous penchons sur une autre source majeure potentielle d'eau douce dans l'EMS : les eaux de fonte de la calotte Fennoscandie (Fennoscandian Ice Sheet, FIS), circulant dans les mers Caspienne et Noire.
Quelques scénarii de perturbations hydrologiques continentales ont été développés pour contraindre un modèle de circulation générale haute résolution dans la Mer Méditerranée. Nous démontrons que durant la dernière déglaciation, les écoulements d'eau de fonte de la FIS dans la mer Noire ont réduit la salinité de surface et la ventilation sur les zones de convection principales dans l'EMS. En incluant les changements hydrologiques continentaux, un cadre plus cohérent a pu être produit pour caractériser l'hydrologie de la mer Méditerranée durant la dernière déglaciation et l'Holocène inférieur.
La fréquence des sapropèles dans la mer Méditerranée est fortement corrélée avec les perturbations hydrologiques régionales induites par les cycles de précession de l'orbite terrestre et se caractérise par une augmentation du ruissèlement des moussons africaines et par une augmentation des apports d'eau douce du Nil (Rossignol-Stick, 1983 ; Rohling et al., 2015).
Les sapropèles récents (tels que le S1 et le S5) ont été initiés par le cycle de précession (ayant une périodicité d'environ 21 ka) et sont modulés par les cycles glaciaire-interglaciaire (d'environ 100 ka) (Grant et al., 2016). Une étude menée grâce à des modèles numériques a réussi à simuler la diminution prolongée du taux d'oxygène dans la colonne d'eau ayant mené au sapropèle S1 (donnant une estimation d'environ 3,5 ka de diminution progressive du taux d'oxygène dans les bassins Ionien et Levantin pour en arriver au sapropèle). Cette étude a utilisé un modèle numérique de circulation méditerranéenne générale comprenant ses composés biogéochimiques (Grimm et al., 2015).
Il est très probable qu'une période de préconditionnement durant la déglaciation soit essentielle pour qu'une anoxie de l'eau de fond puisse se produire. Les apports massifs d'eau atlantique de faible salinité durant le stadiaire de Heinrich 1 (Heinrich Stadial 1, HS1) entre 18 et 15,5 ka BP, entrés dans la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, associés à une forte productivité biologique, ont drastiquement modifié la ventilation de la colonne d'eau et ont causé une anoxie dans la Méditerranée orientale (Grimm et al., 2015).
Mais le détroit n'a probablement pas été la seule route par laquelle la déglaciation a influé sur la Méditerranée. Une autre source, complémentaire, a pu être continentale. Les eaux de fonte de la FIS peuvent avoir réduit la salinité de la mer Noire (Soulet et al., 2011, 2013 ; Tudryn et al., 2016 ; Yanchilina et al., 2019) et de la mer de Marmara (Vidal et al., 2010 ; Aloisi et al., 2015), impactant la salinité de surface de la mer Égée, produisant ainsi une stratification et réduisant la convection.
Dans cet article, sur la base des découvertes récentes concernant l'hydrologie de la déglaciation de l'Europe orientale (Major et al., 2002 ; Chepalyga et al., 2007 ; Soulet et al., 2011, 2013 ; Sidorchuck et al., 2011 ; Aloisi et al., 2015 ; Herrle et al., 2018 ; Huang et al., 2021 ; Aksu et al., 2022) , ils ont élaboré plusieurs scénarii de perturbations hydrologiques continentales affectant l'EMS. Par l'intermédiaire de modèles numériques de la mer Méditerranée, ils ont quantifié leurs impacts et ils discutent de la vraissemblance de ces hypothèses à la lumière des preuves données par divers proxies.
Des preuves sédimentaires et stratigraphiques du bassin Caspien montrent de larges inondations dues à la fonte de la FIS entre 17 et 10 ka BP, avec un débordement vers la mer Noire entre 16 et 14 ka BP (Figure 1 ci-dessous).
Figure 1 : Carte des calottes glaciaires du dernier maximum glaciaire (LGM), comprenant la Fennoscandian Ice Sheet (FIS) et ses bassins de drainage austraux avec les rivières majeures associées. Le contour rouge montre la surface de la zone ayant potentiellement fondu pour être ensuite emportée vers la mer Noire et la mer Caspienne (1 119 166 km²). L'anomalie de salinité de surface de la mer issue du modèle expérimental 17mSvFIS (moyenné sur les 10 dernières années) est montré pour la Méditerranée. Les croix indiquent les carottes sédimentaires évoquées ou utilisées pour cette étude.