> Climats & Écosystèmes > Écosystèmes > Plongée au milieu des coraux > Les coraux pour reconstruire les paramètres environnementaux passés

Les coraux pour reconstruire le volume de glace, la température et la salinité de la surface de la mer Les coraux pour reconstruire le volume de glace, la température et la salinité de la surface de la mer

Niveau de difficulté : 3

À l'heure actuelle, la plupart des récifs coralliens se développent et grandissent dans les eaux chaudes et tropicales, de préférence à plus de 18°C (même s'il existe des récifs coralliens profonds, hydrothermaux, d'eaux froides (11°C), etc.). Ils préfèrent des eaux claires, transparentes, présentant de faibles variations de température et de salinité, à proximité de petites îles plutôt que les eaux turbides (boueuses) et fortement variables au débouché des grandes rivières (même si des récifs peuvent se développer dans de tels environnements : ils sont alors étudiés pour étudier les épisodes de crue par exemple).

Les coraux scléractiniens massifs

Comme nous l'avons vu dans le chapitre "Qu'est-ce qu'un corail ?", les coraux sont des organismes symbiotiques associés à des microalgues photosynthétiques, les zooxanthelles : donc des algues microscopiques, unicellulaires (constituées d'une seule et unique cellule) qui produisent leur matière organique (leur nourriture et leur énergie) à partir de l'énergie lumineuse (la lumière). Ces zooxanthelles ont besoin d'un accès direct à la lumière, les coraux demeurent donc à proximité de la surface et sont partiuclièrement impactés par les variations de niveau marin.

Les coraux étudiés sont généralement des coraux scléractiniens massifs qui fabriquent un squelette aragonitique (une forme de calcaire dont la chimie est légèrement différente de celle de la calcite). Certaines espèces se révèlent particulièrement utiles pour les chercheurs et les paléoclimatologues,  Porites et Diploastrea qui sont utilisées comme marqueur des variations du niveau marin, de la température de surface de l'eau (Sea Surface Temperature, SST) et de la salinité de surface de l'eau (Sea Surface Salinity, SSS). Les squelettes des coraux intègrent de nombreux traceurs chimiques qui peuvent ensuite être étudiés et analysés.
Le choix de ce type de coraux est défini notamment par leur capacité à grandir de façon continue globalement durant des centaines d'années, voire plus de 1 000 ans. Toutefois, certains paramètres environnementaux peuvent limiter, voire même arrêter leur croissance :

  • Les périodes d'émersion par exemple : si le récif est hors de l'eau, les coraux émergés vont mourir, arrêtant la croissance verticale, et ce n'est qu'après une réimmersion que les survivants pourront recommencer à croître et recouvrir leurs congénères.
  • Une immersion trop profonde : inversement, si le niveau marin augmente et que le sommet du corail passe sous 20 m de profondeur, la quantité de lumière qui lui parvient est divisée par deux, ce qui limite très fortement sa croissance. S'il passe plus en profondeur encore, il peut atteindre une zone limite de survie des zooxanthelles et arrêter sa croissance.
  • La consommation par les poissons perroquets ou certaines espèces d'étoiles de mer : les prédateurs consomment le corail qui meurent et ne parvient plus à grandir.
  • Les brisures induites par les tempêtes créent des lacunes dans les enregistrements et peuvent faire pendre plusieurs années d'information.
  • Enfin, une eau trop chaude durant trop longtemps va stresser les coraux qui vont relarguer leurs zooxanthelles : c'est le phénomène de blanchissement des coraux.

Malgré ces biais d'enregistrement possibles, les coraux massifs présentent de grands avantages pour le reconstitutions paléoclimatiques et paléoenvironnementales. Ils sont faciles à prélever et à dater, sans oublier qu'ils présentent une haute résolution d'enregistrement.En effet, les récifs coralliens sont des structures solides, qui vont résister bien après la mort des organismes qui les ont construits.

Les coraux scléractiniens ont un rôle très important pour de nombreuses raisons :

  • Ils se retrouvent dans les océans Pacifique, Indien et Atlantique ;
  • Ils sont particulièrement abondants dans :
    • la warm-pool Indo-Pacifique (Indo-Pacific Warm-Pool, IPWP) : cette zone est la plus étudiées car elle est la source d'ENSO,
    • la mer Rouge,
    • les Caraïbes ;
  • Ils aiment les eaux claires présentant peu de variations de SSS, même s'ils peuvent se développer au débouché des rivières ;
  • Ils vivent dans des eaux de moins de 50 m de profondeur, ce qui permet d'acquérir des informations sur les eaux surface et sur la thermocline supérieure (épilimnion) ;
  • Quelques-uns peuvent exister sans zooxanthelles dans des eaux froides à plus de 1000 m de profondeur, ils donnent alors des ionformations sur les courants profonds. Mais ceux-là sont assez peu étudiés.

Bien que les coraux scléractiniens puissent adopter plusieurs formes, ce sont donc les formes massives, plus résistants aux cassures, qui sont utilisées en paléoclimatologie. Comme nous l'avons dit plus tôt, les polypes produisent un squelette aragonitique, moins stable que la calcite et qui peut intégrer plusieurs éléments chimiques utilisables par les paléoclimatologues : le Sr, le Ba, le Mg, le Zn, le Pb et le Mn. De plus, ils grandissent de quelques millimètres par an à 3 cm/an (dans le cas de Porites notamment). Ils créent des bandes de densités visibles en radioscopie X (donc aux rayons X).

Cette caractéristique permet d'identifier des bandes claires et des bandes sombres : les bandes claires correspondent à la période estivale tandis que les bandes sombres correspondent à la période hivernale. Cela permet de faire de la sclérochronologie, très similaire à la dendrochronologie : compter le nombre de cernes d'arbres permet de définir son âge. Eh bien là, le principe est le même : compter les paires de bandes claires et sombres permet de compter les années écoulées.

Le processus de calcification est assez mal connu. Les centres de calcifications semblent se situer dans l'ectoderme des polypes, mais il est difficile de savoir s'il s'agit de processus communs ou différenciés pour le Ca2+ et le Sr2+. Certaines études suggèrent que les zooxanthelles jouent un rôle dans la calcification, notamment parce qu'une corrélation semble exister entre la quantité de lumière reçue et la formation d'aragonite (plus de lumière = plus de calcaire). Pour autant, les sites de photosynthèse et de calcification ne sont pas les mêmes.

Comment identifier les variations de SST et de SSS dans les coraux ?

La reconstruction de la température de surface de la mer est un des paramètres les plus importans en océanographie et en climatologie. Quatre outils peuvent être employés pour les reconstruire :

  • Le Sr/Ca (Strontium/Calcium), dont la composition est beaucoup plus stable dans l'eau de mer et qui est un bon marqueur de la variation de température de surface (SST).
  • Le ð18O, dont la composition varie beaucoup au cours du temps (en raison de l'évaporation et des précipitations) et qui est donc plus fiable pour reconstruire la salinité de surface (SSS) que la température (SST), même s'il est tout de même utilisé pour les SST.
  • Le Mg/Ca (Magnésium/Calcium), le Mg serait potentiellement relié aux composés organiques du squelette, et donc non stable dans le temps. Cet outil est encore à l'étude.

Aujourd'hui, la salinité est la force majeure contrôlant la circulation thermohaline. La salinité joue également un rôle crucial dans la génération des événments ENSO. Les variations de SSS révèlent les variations de précipitations/évaporation ce qui donne beaucoup d'informations sur le climat et l'atmopshère.

Sr/Ca

Ce rapport est plus stable en volume que le ð18O. Une hypothèse propose que le Sr2+ est intégré essentiellement la nuit tandis que la Ca2+ est intégré essentiellement le jour lors de la calcification du squelette corallien.

 ð18O

Ce rapport isotopique (18O/16O) est dépendant de la latitude et du bassin océanique obsrvé. Il varie enfonction des précipitations, des apports des rivivères, des saisons, de la taille des calottes de glace. Il permet de faire de reconstructions de salinité (SSS) relativement fiables. Couplé au Sr/Ca, ils permettent de suivre le phénomène ENSO.

Le ð18O permet potentiellement de regarder d'autres paramètres, tels que le taux de croissance, la variation du pH de l'eau de mer, le niveau de lumière, la productivité, les habitudes alimentaires... mais ce sont autant d'éléments qui sont encore débattus.

Au début des analyses, dans les 1960, le ð18O des coraux était utilisé pour reconstruire les SST malgré sa grande variabilité dans les eaux de surface. Il faut conserver à l'esprit l'erreur potentielle que peut apporter cette méthode dans la reconstitution des SST.

Un modèle cinétique établit que le fractionnement isotopique se produit durant l'hydration et l'hydroxylation du CO2. Donc le CO32- va plus ou moins s'équilibrer isotopiquement avec l'eau présente dans les fluides calcifiants (eux-même à l'quilibre avec l'eau de mer) avant d'être incorporée dans le squelette nouvellement formé.

Les SST tropicales des derniers 300 ans

Les études regardent surtout ENSO : sa présence, son absence, son intensité et sa fréquence.

Les coraux apportent des informations avec une résolution mensuelle, ce qui permet d'avoir des détails sur ENSO. Ils permettent de remonter loin dans le temps et de mieux comprendre les mécanismes qui régissent ENSO, car les quelques décennies d'enregistrements de données que nous avons sont insuffisantes pour comprendre sa variabilité multi-décennale.

Les données des derniers 300 ans suggèrent que le réchauffement climatique affecte les téléconnexions entre les océans.

 

Les différents modèles d'âge

Les coraux sont assez bien datables pour els derniers 400 000 ans, notamment par trois techniques radiologiques :

  • Le Plomb 210, 210Pb, qui permet de dater les coraux vivants entre 0 et 100 ans ;
  • Le carbone 14, 14C, qui permet une datation jusqu'à 40 000 ans ;
  • L'uranium-thorium, U/Th, qui permet une datation jusqu'à 400 000 ans.

La combinaison des méthodes 14C et U/Th permet une analyse de carbone atmosphérique (Bard et al., 1990).

Influence d'ENSO sur l'océan Pacifique Tropical

En moyenne, l'équateur reçoit 2,5 fois plus d'énergie solaire que les pôles. Cette énergie se répartit autour de la Terre par les courants atmosphériques (advection), par chaleur latente et par chaleur sensible. Sans cette capacité à répartir la chaleur, l'équateur serait 14°C plus chaud et les pôles seraient 25°C plus froids ! (Barry & Chorley, 1998).

Il existe un transport zonal de chaleur dans les tropiques : la circulation de Walker dont les variations se produisent à des échelles de temps interannuelles.

circulation de Walker

 ENSO est le phénomène atmosphérique le plus influent à l'échelle du globe par les téléconnexions qui existent entre les océans et les hémisphères.

 

 

Références Bibliographiques