> Partie 05/10 - Laurent Londeix nous présente des fossiles microscopiques

Partie 05/10 - Laurent Londeix nous présente des fossiles microscopiques Partie 05/10 - Laurent Londeix nous présente des fossiles microscopiques

Niveau de difficulté : 2

Script de l'épisode

Malgré ce contexte de dessiccation, d'évaporation de l'eau, on trouve des fossiles.

Alors on a vu que les fossiles, c’est eux qui ont pu précisément montrer que Gibraltar s'est fermé.
Les fossiles, on les a utilisés pour dater les terrains et là on va les utiliser pour avoir une idée, compléter des informations sur les environnements dans lesquels se sont déposés les différents niveaux géologiques qui ont été mentionnés.

Sur cette coupe ici qui a été prélevée au nord de l'Italie, dans le Piémont. Beaucoup de fossiles ont été trouvés. Alors aussi bien des micro-organismes que des macro-organismes. On retrouve les différents foraminifères dont il était question tout à l'heure, mais on trouve aussi des poissons, des oursins et libellules, également des végétaux qui sont présents... Donc une palette de fossiles qui est quand même assez large.

Les assemblages de fossiles nous indiquent qu'on a une mer à salinité normale avant le Messinien et au début du Messinien.
On voit ici une reconstitution de la salinité. Donc 35 c’est la salinité moyenne de l'eau de mer.
Des assemblages paléontologiques montrent qu’au milieu du Messinien, là, il y a des salinités qui augmentent énormément puis qui redescendent, et au sommet du Messinien, on a des salinité qui sont très basses.

Ce n'est pas de l'eau douce, ce n'est pas de l'eau douce, mais on a des salinité qui sont autour de 5-7 pour mille.
Ceux qui ont trouvé ça ont appelé ça le lac-mer. Les Italiens ont traduit en lago-mare et tout le monde maintenant continue à utiliser ce terme de lago-mare qu’on a évoqué déjà tout à l'heure et qui signifie que là, y'a une étendue d'eau, une eau avec une légère salinité. Donc une eau, on va dire, saumâtre.

Je vais vous parler d'un autre groupe de fossiles qui apporte des informations sur ce contexte environnemental. Et j'ai choisi de vous parler des kystes de Dinoflagellés pour la raison simple que c'est ceux que je connais le mieux comme fossiles et j'ai eu l'occasion de travailler sur le Messinien avec l'aide de ces fossiles.

Alors ces petits organismes, ce sont des protistes, des unicellulaires. Ils réalisent la photosynthèse, du coup on parle d’algues unicellulaires.
Ils font partie du plancton dont vous avez ici quelques exemples, quelques illustrations, de différentes espèces de dinokystes du Miocène.

Présentation de divers kystes de dinoflagellés par Laurent Londeix lors de la conférence grand public sur l'assèchement de la Méditerranée du Messnien.

Et ces dinokystes, on va les retrouver aussi bien dans les dépôts, dans les environnements côtiers que sur les plateformes ou encore dans les milieux distaux. Comme ils réalisent la photosynthèse, ils vivent toujours dans les 10-20 premiers mètres d'eau. Donc on va dire en surface. Et on va pouvoir les utiliser pour reconstituer les températures de surface, les salinités de surface, si on est loin de la côte ou près de la côte, si on a des arrivées fluviatiles, on peut même trouver parfois des algues fluviatiles. Donc tout un tas d'informations qui sont apportées par ces fossiles.

Et justement, à propos de la séquence composite de Sicile, celle qu’on a déjà abordé tout à l'heure. Ici, une espèce de dino qui est très particulière, qui s'appelle Impagidinium patulum, peu importe son nom, ce qui est intéressant c'est que, comme le Messinien est une période géologique proche de nous, eh bien il y a beaucoup d'espèces qui vivaient au Messinien et qui vivent encore aujourd'hui.
Et ces espèces, eh bien, comme elles vivent aujourd'hui, on peut connaître leur écologie. Et pour cette espèce en particulier, on va la retrouver un peu dans tous les océans du globe et toujours plutôt loin des côtes que à proximité. Toujours à des endroits où il y a une tranche d'eau qui fait plusieurs milliers de mètres d'épaisseur.
Et en mesurant les paramètres de l'environnement tels que la température de l'eau de surface, la salinité de l'eau de surface ou la teneur en nitrates, par exemple de l'eau, eh bien on constate que cette espèce est très peu tolérante quand elle est en fort pourcentage, elle est très peu tolérante, c'est-à-dire qu'elle ne supporte que des intervalles de température qui sont autour de 25 degrés, des gammes de salinité qui sont vraiment centrées sur 35 pour mille.
Par contre, elle supporte qu’il y ait très peu d'éléments nutritifs. Si y’a rien à bouffer, ça lui va quand même.

Alors à titre de comparaison, ça c’est une espèce qui est très peu tolérante. Voilà un exemple d’une espèce tolérante qu'on retrouve un peu partout, qui supporte des gammes d’éléments nutritifs très larges, des gammes de salinité, de température très très larges, donc vous voyez que l’espèce de tout à l’heure, son côté peu tolérant est très large.

Eh bien, cette espèce peu tolérante, on voit qu'elle commence à pointer le bout de son nez un peu avant les calcaires de base et au niveau des calcaires de base. Elle est très abondante. Très abondante, ça veut dire que là on est à plus de 80-90% de cette espèce qui est présent.
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que, ben là, on a très peu d'éléments nutritifs dans l'eau, une tranche d'eau de plusieurs milliers de mètres d'épaisseur et qu'on est loin des côtes.

Tout à l’heure, Athina vous a dit que le calcaire de base c’est un bassin qui s'est asséché, il y a des cristaux de sels.
Comment on concilie les deux ?
Ben pour concilier les deux, on a ce modèle avec la Sicile qui est un bassin marginal en hauteur.

Présentation du lien entre la formation du calcaire de base en sicile, témoin de baisse de niveau marin et d'assèchement, et bassin profond attenant, avec une colonne d'eau très épaisse (par Laurent Londeix durant la conférence grand public sur le Messinien)

On a la Méditerranée et les bassins profonds qui sont remplis d'eau.

Par contre, plus de circulation océanique, là les courants ne fonctionnent plus.
Ça veut dire que, au niveau de Gibraltar, soit c'est complètement fermé, soit l'entrée d'eau atlantique est vraiment très, très réduite.
En tout cas, plus de circulation océanique et de temps en temps, des débordements de ce bassin qui est encore plein d'eau dans le bassin de Sicile et qui amènent des kystes de dinoflagellés de cette espèce alors que là on a un bassin dans lequel se dépose du sel. Et pour se dépose du sel, il faut aussi qu’il y ait des arrivées d’eau de mer.

Donc voilà le modèle que l’on peut proposer compte tenu de ce que nous disent les dinokystes.

Une autre phase intéressante que renseignent ces dinokystes : là on se situe au sommet du Messinien, et ce que l'on voit ici, c'est des dinokystes qui ont été apportés par les fleuves, avec des kystes qui ont des âges très anciens.
Là, ils vivaient pas du tout ici. C'est l'érosion par les fleuves qui a amené ces espèces.
Et vous voyez ici en vert, des espèces qui datent du Crétacé. C'est l'érosion, notamment l'érosion régressive, dont parlait Hervé tout à l'heure, donc, c'est les canyons, vous avez l'érosion dans les canyons qui apporte ces kystes et vous avez ici des algues d'eau douce qui confirment bien des arrivées d'eau douce par des fleuves.

Donc voilà une image que peuvent donner ces dinoflagellés avec, ben, un bassin de la Sicile qui a très peu d'eau et des fleuves, ou en tous cas des cours d'eau, qui érodent, qui entaillent et qui viennent se déposer, amener leur eau dans ces bassins.

Donc là, je vais passer le relais, ça doit être à Adrien, qui va vous parler de l'aspect tectonique de l'affaire.