Origines de la théorie de l'Âge de Glace - Episode 5 - Les paléorivages et l'isostasie
Le cinquième épisode de la mini-série sur les origines de l'âge de glace vient de sortir ! Aujourd'hui, on parle d'isostasie. Cet épisode est un peu atypique par rapport aux autres, mais j'espère que vous en sortirez en ayant compris l'isostasie !
Script de l'épisode
Bonjour à toutes et à tous et Bienvenue pour cette nouvelle vidéo de Terres du Passé !
Aujourd'hui, nous entamons le cinquième épisode de la mini série présentant les origines de la théorie de l'Âge de glace.
Dans l'épisode précédent, nous étions avec Auguste Bravais sur le navire la Recherche, entre 1838 et 1840, à la découverte des paysages glaciaires de l'archipel du Svalbard - entre autres. Là-bas, Bravais identifie des traces d'anciens rivages situés jusqu'à 10 mètres au-dessus du niveau de l'eau. Ces paléorivages ont imprimé leur trace dans les sols par un changement d'altitude de la côte. La question est alors de savoir qui, de la mer ou de la terre, a bougé.
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Générique
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Nos scientifiques du XIXe siècle n'étaient pas vraiment en mesure de répondre à cette question, pas plus que de comprendre ce phénomène géologique particulier qu'est l'isostasie, et notamment ici, le rebond isostatique. N'oublions pas qu'à cette époque, la théorie dominante était fixiste, elle prônait un monde n'ayant que très peu changé depuis sa formation. Aussi, envisager que les continents puissent se déplacer à la surface de notre planète comme vous pouvez le voir sur cette reconstitution de Scotese équivalait pour eux, par exemple, à proposer que les pommes de terre sont capables de sortir toutes seules de terre pour aller se replanter dans le champ voisin : une aberration !
Pour expliquer les choses simplement, nous allons reprendre juste un instant la structure de la Terre et, afin que ce soit pertinent pour la suite, on va s'amuser à faire une coupe au niveau de Svalbard. Et vous savez ce qu'on fait en premier ? Eh oui ! On se situe sur une belle carte ! Je crois que vous commencez à me connaître : les cartes, j'adore ! Surtout les cartes bathymétriques et topographiques !
Alors on identifie ici le Groenland, là l'Eurasie, ici les Amériques, en l'occurrence ici c'est l'Amérique du nord, et l'Afrique. Juste ici vous avez l'océan glacial Arctique, l'océan Atlantique nord, tout en haut, là, vous voyez un tout petit bout de l'océan Pacifique, un tout petit morceau de l'océan Indien juste ici, au milieu vers le bas : la Méditerranée, et enfin, les mers les plus incroyables du monde : les mers Nordiques ! Non je ne suis pas objective du tout et je l'assume !
Maintenant que le cadre est posé, on peut se concentrer sur la zone qui nous intéresse : le nord des mers Nordiques qui est centrée sur Svalbard. Et donc ici vous reconnaissez un petit bout de l'est du Groenland, là une île russe, la Nouvelle-Zemble, ici un archipel (russe également) : les îles du Prince George, et au centre, l'archipel dont nous parlons depuis plusieurs semaines déjà : Svalbard.
Et si vous remarquez bien, la couleur du fond marin et plus claire sur une large zone : cela correspond en fait au plateau continental des mer peu profonde de Barens et de Kara sur lesquelles se trouve Svalbard. En comparaison, le plateau est-groenlandais est de petite taille. Cette précision, qui peut sembler anodine voire même inutile, est en fait importante pour la suite et pour comprendre comment ont évolué les calottes glaciaires durant les glaciations passées. Alors ces deux plateformes continentales font partie de la croûte continentale : elles ont une chimie différente des roches de la croûte océanique. Ça, je vous le précise pour le petit profil que nous allons faire juste après.
Entre les deux plateformes, vous trouvez le fond marin océanique, fait de croûte océanique justement, et pour rappel, vous avez l'océan Arctique au nord et les mers Nordiques, faites notamment des mers du Groenland et de Norvège au sud.
Avec tout ça, nous sommes prêts à faire un profil bathymétrique et topographique simplifié de la zone de Svalbard afin d'expliquer ce qu'est le rebond isostatique. Alors allons-y !
Voici le profil simplifié que l'on obtient pour Svalbard. En bleu, vous avez la mer de Barents à droite, donc à l'est, avec une profondeur de moins de 150 mètres. A gauche, donc à l'ouest, il y a le détroit de Fram dont la profondeur avoisine ici les 2500 m. Et là, vous allez me demander où se trouve ce détroit dont je ne vous ai encore jamais parlé...
Et c'est vrai que je ne l'ai pas encore désigné même si nous l'avons souvent observé. Je m'explique. Reprenons notre carte de Svalbard. Vous voyez le Groenland à l'ouest, Svalbard à l'est et entre les deux, il y à un couloir assez étroit : eh bien le voilà ! C'est le détroit de Fram qui fait la connexion entre l'océan glacial Arctique et les mers Nordiques. Avant que je ne m'emballe et que je vous raconte l'origine de son nom, nous éloignant de notre sujet, revenons à notre profil structurel.
Vous avez ici la croûte océanique en marron gris, constituée essentiellement de basalte. Elle a une épaisseur comprise entre 5 et 10 km selon les zones. Donc juste à côté de la croûte océanique, il y a la croûte continentale, en marron foncé ici et constituée essentiellement de granite. Vous vous souvenez ? Je vous avais dit que le plateau continental de Barents-Kara était une part de la croûte continentale : eh bien vous pouvez effectivement le constater sur ce profil. Et vous avez vu ? La croûte continentale est nettement plus épaisse que sa cousine océanique, faisant entre 35 et 70 km d'épaisseur. Gardez cette information dans un coin de votre tête, elle nous servira dans un instant.
En-dessous, ici représenté en vert clair, vous avez la lithosphère. C'est une couche rigide qui comprend à la fois la croûte de surface océanique et continentale et le sommet du manteau supérieur de la Terre, composé essentiellement de péridotite. Séparant la croûte de la lithosphère, il y à la discontinuité appelée le MOHO, représenté ici en orange. Sous la lithosphère, il y a l'asthénosphère, représentée ici un jaune. Et en-dessous, vous avez le reste du manteau supérieur ici représentée en orange. C'est cette partie spécifique du manteau supérieur, l'asthénosphère, qui va nous intéresser pour expliquer l'existence des paléorivages.
Car oui, avec tout ça, on en oublierait presque la raison qui nous a amenés à regarder la structure interne de la Terre : expliquer la remontée des rivages des terres nordiques. C'est donc en se penchant sur l'asthénosphère que nous allons pouvoir trouver des éléments de réponse. L'asthénosphère est la partie ductile du manteau supérieur. Ça signifie qu'elle a la capacité de se déformer un peu comme de la pâte à modeler.
Il faut savoir que la croûte continentale est moins dense que la croûte océanique, qui est elle-même moins dense que la lithosphère et l'asthénosphère. La croûte flotte donc sur la lithosphère rigide, qui flotte elle aussi sur l'asthénosphère ductile. Sauf dans certains cas particuliers, mais ne nous égarons pas davantage aujourd'hui. La ductilité de l'asthénosphère permet l'existence de l'isostasie et notamment du rebond isostatique. Le terme isostasie vient donc du grec isos qui signifie égal, et stasis qui signifie situation. Pour le dire simplement, il revient à appliquer le principe d'Archimède aux roches de la Terre.
Illustrons ça avec un schéma : prenons une chaîne de montagnes. Vous avez la croûte océanique et la croûte continentale, la lithosphère et l'asthénosphère. Mais ce schéma est faux. La croûte continentale étant moins dense que le manteau, une structure de ce genre impliquerait un déficit de masse au niveau des montagnes : elles seraient trop légères si vous préférez, et cela déséquilibrerait la Terre. Il se forme donc, sous les chaînes de montagnes, une racine qu'on appelle une racine crustale, qui permet de compenser cette faible densité et de rester à l'équilibre. C'est l'isostasie et ce n'est possible que parce que l'asthénosphère, ductile, qui se trouve en dessous s'écarte sur les côtés pour laisser la place à la racine crustale.
Maintenant que nous avons expliqué ce principe, retournons à notre coupe de Svalbard. Mais vous voyez que la racine crustale ici est déjà présente, ce n'est pas elle qui va jouer sur les paléorivages dont nous cherchons à expliquer l'existence. Déjà, rajoutons un élément qui manque cruellement sur cette image : la calotte glaciaire actuelle de Svalbard. Voilà qui est mieux !
Nous avons ici tous les éléments qu'il nous faut pour raconter notre histoire, mais pour bien comprendre, nous allons devoir remonter le temps sur quelques milliers d'années et revenir à une période bien antérieure. Avant les avions, avant les machines à vapeur, avant les découvertes de l'Amérique, avant le Moyen-Âge et les guerres contre les dragons... Ah non, non, ça, ça ne va pas là. Remontons le temps jusqu'à une époque où l'écriture n'était encore qu'un gribouillis fait dans la boue avec un bâton.
Remontons le temps sur 70 000 ans, jusqu'au Paléolithique moyen. Et c'est ce même temps qui nous manque encore aujourd'hui pour raconter cette histoire. Nous avons déjà débordé alors la suite, ce sera pour plus tard.
Merci d'avoir regardé cette vidéo jusqu'au bout ! J'espère qu'elle vous a plu et que vous en sortirez en ayant bien compris l'isostasie. N'hésitez pas à partager cette vidéo, à mettre un pouce bleu si elle vous a plu et, si vous avez des commentaires, je serais heureuse de les découvrir. Nous nous sommes éloignés des scientifiques du XIXe siècle dans cet épisode mais ne vous inquiétez pas, nous les retrouverons bientôt car il y a encore bien des choses à dire sur les origines de la théorie de l'Âge de glace.
Passez une belle journée et à bientôt sur www.terres-du-passe.com !