Archeology of the continental shelf: Marine resources, submerged landscapes and underwater archeology
Archéologie de la plateforme continentale : ressources marines, paysages submergés et archéologie sub-aquatique
Geoffrey N. Bailey & Nicholas C. Flemming
Quaternary Science Reviews, 2008
https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2008.08.012
Pour citer cet article :
Bailey, G. N., & Flemming, N. C. (2008). Archaeology of the continental shelf: marine resources, submerged landscapes and underwater archaeology. Quaternary Science Reviews, 27(23-24), 2153-2165.
Nous proposons ici un examen critique des preuves long terme fournies par les ressources marines et les environnements côtiers dans l'évolution humaine et son développement. Nous mettons en exergue l'importance des enregistrements archéologiques côtiers dans les schémas de compréhension des colonies humaines et de leur dispersion, et nous prêtons attention aux grands biais potentiels induits par les effets destructeurs des changements du niveau marin de la période Pléistocène.
Des niveaux marins plus bas ont été la norme durant la grande majorité du Pléistocène et les périodes de haut niveau marin ont été de trop courtes durées pour produire autre chose que des enregistrements côtiers fragmentaires, semant l'incertitude et l'ambiguïté.
Examiner les processus géologiques de la surélévation (uplift) côtière et de la préservation subaquatique peut aider à mitiger ces biais.
En effet, les traits de côtes surélevés par les processus isostatiques et tectoniques, ou dotés de falaises très abruptes au niveau des limites des plaques, sont autant de fenêtres potentielles sur les paysages côtiers et archéologiques qui se sont formés durant les périodes de niveau marin plus bas.
Quoi qu'il en soit, nous concluons que les opportunités fournies par ces facteurs géologiques sont trop limitées pour éviter le besoin d'une exploration subaquatique.
Nous examinons les preuves (maintenant accessibles) des paysages submergés à travers l'interface Afrique-Eurasie des côtes atlantiques du nord-ouest de l'Europe jusqu'à la mer Rouge. Nous montrons que les conditions géomorphologiques de préservation des données archéologiques et paléoenvironnementales sont régulièrement présentes, que beaucoup de matériel a déjà été découvert et que de nouvelles techniques, technologies et de nouveaux projets apportent l'élan pour une expansion rapide des champs d'investigation.
Les résultats n'apportent pas simplement des informations sur ce que nous connaissions déjà d'après les sites terrestres, mais semblent capables de produire des preuves qualitativement différentes d'adaptations côtières et des paysages pour lesquels nous ne disposons pas d'analogues actuels.
Nous notons une forte probabilité pour que de nombreux paysages côtiers exposés durant les périodes de bas niveau marin aient produit des zones fertiles et des refuges productifs pour les plantes, les mammifères terrestres et les hommes durant une période où l'augmentation de l'aridité a probablement réduit ou découragé l'occupation à l'intérieur des terres.
Nous concluons que les enquêtes subaquatiques sont essentielles si l'on désire tester les hypothèses d'adaptation humaines précoce et de dispersion des populations.
Introduction
Certains facteurs récents ont poussé les recherches subaquatiques en avant, alors qu'elles étaient jusqu'à présent fortement délaissées :
- Les preuves de plus en plus nombreuses et fortes que les ressources marines sont importantes jusque loin en arrière dans le temps, notamment en raison de la hausse du niveau marin de l'Holocène. Il devient important de comprendre et de prendre la mesure de tout ce qui a été perdu par cette remontée (Erlandson, 2001 ; Bailey & Milner, 2002).
- L'accumulation continue de preuves subaquatique démontrant la survie de certains sites archéologiques malgré l'élévation du niveau marin et leur submersion, et parfois, leur état de préservation exceptionnel et la qualité des preuves trouvées (Flemming, 1998, 2004a, b ; Werz & Flemming, 2001).
- Le regain d'intérêt dans les ressources marines et côtières comme facteur potentiellement significatif de dispersion des groupes humains (Stringer, 2000 ; Walter et al., 2000 ; Mannino & Thomas, 2002 ; Oppenheimer, 2003 ; Macaulay et al., 2005 ; Thangaraj et al., 2005 ; Mellars, 2006 ; Bailey et al., 2007a ; Bulbeck, 2007 ; Erlandson et al., 2007 ; Turner & O’Regan, 2007).
- La meilleure précision des cartographies et des paléo-traits de côte, grâce à l'amélioration des modèles géophysiques associés à des carottes sédimentaires et à des terraces marines élevées (Lambeck, 1996, 2004 ; Shennan et al., 2000 a, b).
- Une meilleure appréciation des paysages côtiers maintenant submergés et ayant donné des conditions plus productives sur terre durant les périodes glaciaires comparées aux terres intérieures, généralement arides ou inaccessibles. Ces zones devaient donc être des refuges pour les animaux et ainsi pour les groupes humains (Mandryk et al., 2001 ; Faure et al., 2002 ; Bailey et al., 2007 a).
Le franchissement de la ligne Wallace (Wallace Line) et la colonisation australienne sont placés vers 50 000 ans avant ajourd'hui, par des groupes humains qui devaient donc être capables de naviguer avec habilité et probablement d'exploiter les ressources marines (Allen et al., 1977).
Les modèles génétiques ont renforcé le consensus montant selon lequel les humains modernes, venant d'Afrique, ont commencé par coloniser l'Australie et la Nouvelle Guinée. Depuis, de nouvelles synthèses émergent, qui envisagent le modèle complet d'expansion et de dispersion hors de l'Afrique comme le résultat de nouvelles adaptations à la nourriture marine et aux voyages en mer, donnant une dispersion rapide autour de la limite australe de la mer Rouge et des côtes de l'océan Indien, avec l'occupation de l'Australie correspondant au sommum des processus initiés en Afrique quelques temps plus tôt (Oppenheimer, 2003).
L'histoire long-terme des ressources marines
Les shell middens, que l'on peut traduire en "tertres coquillers" se retrouvent un peu partout le long des côtes du monde. Les accumulations les plus importantes sont datées de 8 000 ans à 7 000 ans avant aujourd'hui, mais des accumulations coquillères anthropiques de moindre importance, ne regroupant pas plus de quelques centaines à quelques milliers de coquilles, sont retrouvées dans des grottes côtières jusqu'à 160 000 ans avant aujourd'hui pour les plus anciennes (e.g. Luby et al., 2006 ; Marean et al., 2007).
Toutefois, certains scientifiques suggèrent que d'autres tertres coquillers de grande taille ont pu exister avant 8 000 - 7 000 ans avant aujourd'hui, mais qu'ils ont été remaniés et détruits, ou simplement cachés, par la remontée du niveau marin. Au fil des dernières années et découvertes, plusieurs grottes sous-marines, émergées durant des périodes de bas niveau marin, ont été trouvées et explorées tout autour de la Méditerranée, donnant des sites archéologiques relativement bien conservés, datant du Paléolithique moyen au Mésolithique (e.g. Shackleton, 1988 ; Tagliacozzo, 1993 ; Morales et al., 1998 ; Finlayson et al., 2006).