Palaeoenvironmental assessment of Westphalian fluvio-lacustrine deposits of Lorraine (France) using a combination of organic geochemistry and sedimentology
Evaluation paléoenvironnementale des dépôts fluvio-lacustres Westphaliens de Lorraine (France) en utilisant une combinaisons de géochimie organique et de sédimentologie
Stephanie Fleck, Raymond Michels, Alain Izart, Marcel Elie, Patrick Landais
International Journal of Coal Geology, Vol. 48, pp. 65-88, 2001
https://doi.org/10.1016/S0166-5162(01)00048-9
Pour citer cet article :
Fleck, S., Michels, R., Izart, A., Elie, M., & Landais, P. (2001). Palaeoenvironmental assessment of Westphalian fluvio-lacustrine deposits of Lorraine (France) using a combination of organic geochemistry and sedimentology. International Journal of Coal Geology, 48(1-2), 65-88.
La qualité et la quantité de carbone organique préservé dans les sédiments terrestres modernes et anciens est le résultat d'interactions complexes de facteurs sédimentologiques tels que :
- la productivité in-situ,
- les apports de matière organique allochtone,
- les processus d'oxydation,
- la biodégradation,
- et les taux d'accumulations de sédiment.
Cette étude a pour objectif d'utiliser des informations multidiscplinaires afin de caractériser le paléoenvironnement des dépôts fluvio-lacustres Westphaliens du bassin de charbon de Lorraine, dans le nord-est de la France. Dans ce bassin, le manque d'affleurement est la difficulté majeure. Afin de compenser ce problème, la sédimetologie et la géochimie moléculaire sont combinées, ce qui améliore significativement les estimations et analyses paléoenvironnementales de la zone.
Les analyses géochimiques et sédimentologiques ont été menées sur plusieurs échantillons de carottes du puits de forage de Saulcy afin d'évaluer la variabilité paléoenvironnementale locale. Les associations de lithofaciès dans le bassin de Lorraine du Carbonifère supérieur suggèrent un environnement de plaine alluviale sans incursion marine. Les interprétations sédimentologiques de la carotte, de même que des comparaisons avec des modèles sédimentologiques, suggèrent des environnements de dépôt différents allant de rivières en tresse ou méandriforme à des marécages ou des lacs.
La géochimie organique se concentre sur le reconnaissance d'hydrocarbones aliphatiques et spécifiquement sur les biomarqueurs moléculaires, qui apportent des informations de valeur sur la matière organique originale et sur les transformations qui se sont produites durant la sédimentation et la diagenèse. Dans le bassin de Lorraine, la variabilité botanique est élevée et clairement liée à la postion des communautés véétales dans le système fluviatile. Les biomarqueurs (e.g. diterpanes, stéranes) montrent des variations qui peuvent être reliées à la diversité de ces écosystèmes.
Dans cette étude, nous proposons une réinterprétation des zonations environnementales dans le diagramme de stérane adapté à la sédimentologie fluvio-lacustre. La corrélation entre les interprétations sédimentologiques et géochimiques permettent de caractériser des environnements de dépôt. Un modèle paléoenvironnemental, lié aux conditions de dépôts des sédiments et aux caractéristiques de la matière organique, est proposé.
Introduction
Le bassin de charbon de Lorraine s'étant sur une large zone géographique : 140 km de long pour 70 km de large, dans le nord-est de la France (Figure 1). Ce bassin est une extension du bassin de Saar, en Allemagne, où les formations carbonifères sont exposées.
Figure 1 : Localisation du bassin de charbon de Lorraine (Fleck et al., 2001)
Durant le Carbonifère, plusieurs zones fluvio-limniques se sont développées, favorisant la formation de sédiments charboneux. Ces sédiments représentent aujourd'hui d'importantes ressources de charbon. Plusieurs études (van Krevelen, 1981 ; Stach et al., 1982) montrent que les charbons du Carbonifère sont issus de forêts luxuriantes et marécageuses boisées avec des arbres tels que le Lepidodendron et Sigillaria (Figure 2a et 2b), Calamites (Figure 3) et des fougères (Stach et al., 1982 ; Ligouis & Doubinger, 1991 ; Karayigit & Köksoy, 1993 ; Falcon-Lang, 1999).
Figure 2a : Lepidodendron (Wikipedia Common, Heimans, XIXe siècle)
Figure 2b : Photographie d'empreintes fossiles de Sigillaria et Lepidodendron (RomanK, TheFossilForum)
Figure 3 : Calamites (par Falconaumanni, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons)
Contexte géologique
La formation du bassin de charbon carbonifère de Lorraine (Figure 4) a commencé après la phase orogénique varisque des Sudètes et s'est terminée avec la phase orogénique saalienne. Toute la zone varisque nord a été affectée par une tectonique tangeantielle (Nord-Sud/Nord-Ouest - Sud-Est) qui a généré une structure en feuillets anté-permienne. Les séries carbonifères constituent un grand synclinal, comprenant plusieurs anticlinaux dotés d'élongations Nord-Est - Sud-Ouest (Donsimini, 1981). La zone hercynienne externe cristalline est une zone étendue durant le Carbonifère supérieur, permettant la sédimentation dans des environnements limniques/estuariens (Donsimoni, 1981).
Dans la partie sud, des lits fluviaux épais de brèche et de conglomérats sont interprétés comme ayant été déposés dans des éventails alluviaux d'un système de rivière en tresse associé à une succession de dépôts de rivière en tresse et de lagune (alternance de conglomérat, de grès et d'argilites) (Heckel, 1988).
Dans le centre du bassin de Lorraine, des niveaux épais d'argilites (>50 m) considérés comme issus d'un environnement fluvial distal sont interprétés comme de grands dépôts d'inondation lacustres profonds. Les dépôts de grès sont interprétés comme issus d'environnement plutôt deltaïques, moins profonds.
Figure 4 : Coupe géologique du bassin de Lorraine (source : Le Bassin parisien, un nouveau regard sur la géologie (2015). Coordinateurs: Jean Pierre Gély et Franck Hanot. Edition: Association des Géologues du Bassin de Paris. 230p.)
Résultats
Les faciès sédimentaires de la carotte issue du puits de forage de Saulcy sont présentés en Figure 5. Les différents faciès présentés sont décrits en Figure 6.
Figure 5 : Séquence synthétique des faciès sédimentaires observés dans le puits de forage de Saulcy.
Figure 6 : Caractéristiques et interprétations environnementales des faciès fluvio-limniques identifiés dans le puits de forage de Saulcy, dans le bassin de charbon de Lorraine (cet article, Fleck et al., 2001).
Discussion - Modèle paléoenvironnemental
Les conditions environnementales enregistrées montrent une grande variabilité par une alternance entre des environnements allant du chenal fluvial à un grand marécage ou encore à une plaine d'inondation.
Les données géochimiques
Les plantes en C29 stérane sont interprétées comme correspondant à la matière organique terrestre vasculaires (e.g. Waples & Machihara, 1991). Les données en C27 et C28 stéranes sont interprétées comme issues d'algues en environnement lacustre (Nishimura, 1977). Traditionnellement, les environnements lacustres sont plus riches en C28 stéranes (Huang & Meinschein, 1976). Dans le puits de forage de Saulcy, la faible abondance de C28 stérane suggère l'absence de zooplancton et phytoplancton d'environnement lacustre profond, probablement en raison de condition peu profondes à marécageuses.
Dans le cas des diterprénoïdes, il existe 20 classes de structures squelettiques. Les terpanes tricycliques et tétracycliques des classes C19 et C20 sont connus pour être associés à des plantes résineuses (telles que les conifères) et à des tissus de soutien (Thomas, 1969 ; Philp et al., 1981 ; Grimalt et al., 1988 ; Disnar & Harouna, 1994 ; Philp, 1994). Dans le cas du puits de Saulcy, trois groupes de diterpanes sont identifiés :
- Groupe I : correspond à la matière organique dérivée des précurseurs de gymnospermes, comme cordaïtales.
- Groupe II : correspond majoritairement à des bryophytes et à des ptéridophytes.
- Groupe III : correspond à un mélange entre les groupes I et II.
Les données sédimentaires
Les échantillons sédimentaires montrent des alternances de grès, siltites, argilites, donc des alternances de périodes avec des sables, des silts ou des argiles, ce qui montre une variation des environnements de dépôts : les sables se déposent dans des environnements plus dynamiques, comme les fonds de rivières, les chenaux. Les silts se déposent dans des environnements plus calmes bien que soumis à des courants, comme dans les zones des lobes, les levées de chenaux, ou encore des évasements de crevasse. Enfin, les argiles, qui sont des sédiments très fins, se déposent essentiellement dans des zones stagnantes, comme dans les marécages et les plaines d'inondation.
De nombreux débris végétaux sont présents dans les sédiments, ce qui témoigne d'une végétation luxuriante, abondante, bien que très variable : un ensemble de végétaux supérieurs, donc dotés de tiges et de tissus résistants, capables de former des troncs, et des végétaux inférieurs, plus petits, herbacés, petites fougères, etc. Les données géochimiques montrent également que des planctons d'eau peu profonde sont présents, ce qui témoigne de conditions humides à lacustres.
De l'ensemble de ces informations, il est possible de reconstruire le bloc diagramme paléoenvironnemental présenté ci-dessous :
Conclusions
Les analyses sédimentologiques du puits de forage de Saulcy indiquent un environnement ayant évolué d'un environnement de chenal à une plaine d'inondation ou à un marécage, l'ensemble représenté par des petites séquences recouvrant 1 200 m d'épaisseur.
La difficulté dans les interprétations tient à l'absence d'affleurement, qui ne permet pas de voir les structures sédimentaires. Le forage est nécessaire pour traverser les faciès sédimentaires et les identifier. L'association des données géochimiques et sédimentaires a été un vrai atout pour l'amélioration de la reconstitution paléoenvironnementale et paléoécologique de la zone.
Les données montrent que les végétaux supérieurs qui se sont développés sont tombées et ont été enfouis dans des conditions oxiques, avec un système bactérien actif (pour en savoir plus, lire l'article synthétisé ici).