Spécial Halloween 2023 - île Tromelin - Ep.01 - Grain de sable dans l'océan
Bonjour à toutes et à tous et Bienvenue pour cette nouvelle vidéo spéciale Halloween de Terres du Passé !
L'histoire que nous allons voir dans ces trois épisodes est issue de faits réels. Elle n'est pas heureuse et est marquée du sceau de l'esclavagisme et du mépris pour la vie humaine. Elle prend place sur une île d'à peine plus de 1 km² située à un peu plus de 430 km à l'est de Magascar et 560 km au nord de l'île de la Réunion, dans l'océan Indien : l'île Tromelin. Les faits se déroulent entre 1761 et 1776 et commencent à bord d'un navire de la compagnie française des Indes orientales, l'Utile. Elle parle de naufrage, de survie, d'abandon et, un peu, de géosciences.
Générique
Dans ce premier épisode, nous allons nous concentrer sur l'île Tromelin, autrefois baptisée l'île de Sable. Pour comprendre ce que les naufragés de l'île ont vécu, car oui, il y a eu des naufragés, il est bon d'avoir une vue d'ensemble de l'environnement dans lequel ils se sont retrouvés... pris au piège.
I. Trouver l'île
Alors, avant toute autre chose, partons en voyage grâces aux données de la NOAA, et rejoignons ce petit grain de sable perdu, de l'autre côté du monde, dans l'océan Indien. Partons d'Europe de l'Ouest. Dédaignons l'océan Atlantique Nord et dirigeons-nous vers la Méditerranée.
Traversons cette mer en passant par les mers Tyrrhénienne et Ionienne, survolons la Grèce et la Crête pour rejoindre les bords du Nil, aux portes de l'Égypte.
Prenons le canal de Suez, descendons le long de la mer Rouge...
...Franchissons le détroit des lamentations (Bab el-Mandeb) pour rejoindre le golfe d'Aden.
Longeons les rives de Socotra. Voilà, nous entrons ici dans l'Océan Indien. Voguons dans le bassin d'Arabie puis descendons plein sud en direction de la ride océanique de Carlsberg. Notre cap ? Les Seychelles.
Devant nous, sur notre droite se trouve Madagascar, sur notre gauche, le plateau de Mascareigne. Franchissons les eaux limpides et peu profondes des Seychelles et filons tout droit en vue de l'île de la Réunion. Mais notre destination, l'île Tromelin ou l'île de Sable, est beaucoup plus proche. Là... Voyez ce petit point qui ressort, seul et abandonné. Délaissons sur notre droite les îles extérieures.
La voici. L'île. Si petite qu'elle ne se distingue même pas sur le fond de l'océan. Ce que l'on voit ? Un mont sous-marin dont le sommet affleurant en surface est l'île que nous cherchons à rejoindre.
Approchons-nous un peu de ce mont sous-marin. Voyez cette forme étrange. Comme une montagne coupée en deux. L'île ne se discerne toujours pas. Ou peut-être est-ce ce petit point de sable blanc-jaune, sur la carte ? Approchons encore. Oui, peut-être peut-on la reconnaitre... La voilà ! Ce tout petit point, au sommet du mont sous-marin. Seule zone émergée de toute la structure, à fleur d'eau. À côté d'elle, immergé, le banc de La Feuillée. Un nom étrange direz-vous. Mais Tromelin n'est-il pas un nom étrange lui aussi ? Leur sens, leur origine, nous la verrons ensemble.
Bien... Approchons encore et regardons-la vraiment, cette île... Pour cela, nous allons changer de ressource et quitter les données bathymétriques haute résolution de la NOAA pour nous pencher sur les données Google Earth. Si nous y perdons en détails bathymétriques, l'île se distingue déjà bien mieux.
Approchons encore et cette fois-ci, utilisons les données Esri fournies par ArcGIS. Là ! La voici ! Enfin, nous la voyons clairement. L'île Tromelin, ce petit grain de sable dans l'océan Indien. Désertique lui correspond assez bien semble-t-il... 1 700 à 1750 m dans sa plus grande longueur, 700 m dans sa plus grande largeur. En guise de végétation, des broussailles et de l'herbe.
Population totale : entre trois et cinq habitants. Des scientifiques. Et encore ont-ils désertés l'île pour ne laisser qu'un centre météorologique autonome en 2015.
II. Découverte de l'île
Lîle Tromelin a été observée et référencée pour la première fois le 10 août 1722 par un vaisseau de la Compagnie française des Indes orientales, la Diane, commandé par Jean Marie Briand de la Feuillée. Tien, ce nom. La Feuillée... C'est donc lui, ou en son honneur, que le banc sous-marin adjacent à L'île a été nommé. Simple grain de sable au milieu de l'eau, lorsque La Feuillée découvre l'île, il la nomme "île de Sable".
III. Les profondeurs de l'île
La voici. L'île, depuis sa semelle ancrée dans la croûte océanique, jusqu'à sa surface, dénuée de reliefs marqués.
Rapprochons-nous à présent et changeons d'angle de vue. D'un seul regard, il est ainsi possible d'embrasser l'ensemble de la structure.
Elle est en étoile, magnifique, n'est-ce pas ?
Voyez cette forme en entonnoir très caractéristique. Voyez la pente externe de l'île, c'est-à-dire la zone sous-marine qui mène aux abysses : elle est très marquée et atteint 1 000 m de profondeur à seulement 2,5 km de la côte (Marriner et al., 2010). Cette forme, c'est celle d'un mont volcanique sous-marin, typique des zones de points chauds.
IV. L'île et son climat
Il faut savoir que les monts sous-marin tel que celui-ci, sous des latitudes tropicales, approchant tout près de la surface, sont des lieux de vie idéaux pour les coraux. Peu de profondeur, des eaux claires, loin de toute terre pouvant apporter des sédiments ou des eaux douces, beaucoup de soleil... Un véritable paradis pour ces organismes holobiontes, c'est-à-dire des créatures vivants en symbiose avec d'autres, microscopiques : ici, ce sont des micro-algues photosynthétiques.
L'île Tromelin, ou l'île de sable, est blanche. Ce n'est pas sans raison : les coraux, qui constitue sa base, son socle, sa structure, créent des squelettes calcaires, donc blancs. Leur couleur, lorsqu'ils vivent, n'est due qu'aux algues qui prolifèrent en leur sein. Mais à leur mort, ces algues meurent aussi ou sont éjectées dans l'océan. Ne restent alors que les squelettes d'une blancheur de craie.
Aussi, tout autour de l'île se trouve ce qu'on appelle dans le jargon un platier corallien. C'est une zone d'accumulation des débris du récif. Les vagues brisent les coraux, les débris de coraux sont emportés dans la zone du platier, protégée des courants par le récif corallien, et s'accumulent donc dans cette zone. C'est un peu le cimetière du récif corallien.
Ce platier est émergé à marée basse, et ce qui ne manque d'être intéressant, c'est de noter que son substrat calcaire, donc sa base, a été façonné par les vagues depuis que le niveau marin s'est stabilisé il y a 6 000 ans. Car oui, le niveau marin est remonté durant plusieurs milliers d'années suite à la fonte des grandes calottes de la dernière période glaciaire, il y a environ 20 000 ans.
Dans cette zone du monde, le vent souffle presque en permanence depuis le sud-est. S'il persiste à 8 km/h en moyenne, il atteint régulièrement et facilement 20 km/h. Ajoutons que, pour le bonheur des naufragés qui se retrouveront coincés sur cette île, Tromelin se trouve dans le bassin cyclonique sud-ouest de l'océan Indien. Ce que cela signifie ? Eh bien, que chaque année, neuf perturbations tropicales naissent dans la région, et, si cinq d'entre elles restent à l'état de simple tempête, les quatre autres, quant à elles, atteignent le stade de cyclones tropicaux.
L'île en elle-même ne présente aucun relief marqué. Son sommet, un talus de tempête, culmine à 8 m au-dessus du niveau de la mer. Aucun cours d'eau, aucun lac, aucun recoin protégé du vent ou des houles de tempête. Toute la partie sud de l'île, attaquée par le vent et la houle, est remplie de blocs brisés, ce sont des laisses de tempête : des morceaux de calcaire arrachés des récifs par le vents et la houle.
Lorsque les cyclones frappent l'île Tromelin, ils peuvent entrainer la formation de houles capables de balayer l'île jusqu'à 250 mètres à l'intérieur des terres depuis le Sud de l'île ! Aussi, toute la zone sud, lors des tempêtes, est une zone mortelle : les vagues emporteraient tout être vivant qui s'y trouverait. La zone nord n'est protégée que par un cordon dunaire de quelques mètres de haut... à l'extrême nord de l'île, n'apportant aucune protection contre le vent de sud-est. Et durant un cyclone ou une tempête, sans relief pour couper le vent, un homme peut aisément être emporté en mer par une bourrasque puissante.
La partie nord de l'île, légèrement protégée, est composée de dunes pouvant faire 10 cm de haut à un peu plus de 2,5 mètres.
L'intérieur de l'île, relativement protégé du vent par les dunes et talus côtiers, est marqué de micro-dunes de moins de 10 cm de haut.
V. Les ressources de l'île
Bien que cette île puisse sembler particulièrement hostile, elle dispose de certaines ressources. Aucune réserve d'eau à sa surface, mais des plantes sont présentes : quelques herbacées et plantes rampantes, tel que le pourpier sauvage, comestible, ou encore la patate à Durand, connue dans la région pour ses qualités médicinales pour lutter contre les inflammations.
Des arbustes sont également présents, mais soumis aux contraintes des vents violents, de la bruines salée quasi permanente et de l'absence de protection, ils ne peuvent grandir et leurs troncs noueux et tortueux s'épaississent avec les années plutôt que de s'élever pour former des arbres protecteurs. Certains peuvent tout de même atteindre deux mètres cinquante de haut, mais ils sont rares sur l'île.
Tromelin a l'avantage d'être une aire de nidification pour certaines espèces d'oiseaux, tel que le Fou à pieds rouges. Ces oiseaux y sont nombreux et peuvent être une ressource de protéine.
Des tortues vertes sont également présentes en nombre, autre source de nourriture potentielle.
Enfin, les récifs coralliens ceinturant l'île regorgent de poissons comestibles.
Bilan
L'île Tromelin est un simple grain de sable dans le bassin de Mascareigne. Elle ne dispose d'aucun relief protecteur, d'aucun cours d'eau ni aucune source d'eau potable en surface. Les alizés, des vents d'est, balayent sa surface à longueur d'année, soufflant à 8 km/h environ, parfois à 20 km/h.
Cinq tempêtes se produisent chaque année, et quatre cyclones tropicaux frappent l'île, les vagues formées pouvant balayer la surface de l'île jusqu'à 250 m dans les terres, et les vents violents associés à ces épisodes sont assez puissants pour envoyer un être humain valser en mer.
Mais des ressources sont quand même à disposition : animales et végétales.
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Nous voici à la fin de ce premier épisode sur l'île Tromelin. Maintenant que nous avons posé notre cadre, nous pouvons entrer dans le vif.
Demain soir, à la nuit tombante, vous connaîtrez l'histoire du naufrage de l'Utile, une flûte de la Compagnie française des Indes orientales commandée par le commandant Jean de Lafargue.
Merci d'avoir regardé cette vidéo jusqu'au bout et à demain pour une nuit de terreur à l'île Tromelin, autrefois baptisée l'île de Sable.