Partie 04/10 - Athina Tzevahirtzian présente les sels de Sicile
Transcription de la vidéo
Alors maintenant, Hervé nous a montré à quoi ressemblent les évaporites dans les bassins profonds.
On va voir un peu comment ils se présentent concrètement, comment un géologue va les reconnaître sur le terrain.
Ces dépôts évaporitiques sur le terrain, on voit des bassins marginaux. Ça c'est l’exemple de l'Italie. On voit tous les dépôts évaporitiques en jaune. Et un exemple sur lequel j'ai fait ma thèse, c'est la Sicile.
Vous voyez à droite le bassin évaporitique qu’on appelle le bassin de Caltanissetta et on va rentrer un peu plus de le détail.
Juste un petit rappel : l'eau de mer, elle est constituée de six ions majeurs, des ions positifs et des ions négatifs, et la salinité moyenne de l'eau de mer est de 35 pour mille.
Donc, si on commence à évaporer l'eau de mer, on va avoir une solution qui va être de plus en plus salée.
On aura donc une solution qui, à un moment donné, va être sur saturée en certains éléments chimiques et c'est-à-dire que on aura une solution qui aura plus de sels que ce qu'elle peut dissoudre. Et donc on aura petit à petit la précipitation de cristaux et de minéraux évaporitiques.
Donc on va obtenir une suite de minéraux précipités bien précise au fur et à mesure de l'évaporation.
Je vais vous montrer un schéma, c’est schématique. C'est un peu plus compliqué que ça normalement. Plus, on évapore, plus la salinité va augmenter et les sels les moins solubles sont ceux qui vont précipiter en premier.
Et c'est le cas des carbonates. Donc si on atteint une salinité entre 60 et 80 pour mille, on va avoir la précipitation de carbonates, comme par exemple la calcite, CaCO3. C'est quoi la calcite ? Donc la calcite fait partie des minéraux qui constituent le calcaire, c’est le tartre qu’on retrouve par exemple sur la tuyauterie chez nous. On va avoir donc la précipitation de calcite ou par exemple aussi de la dolomite.
Allons voir sur le terrain. On se situe en Sicile, donc dans le bassin de Caltanisetta, on retrouve des carbonates qu'on appelle les calcaires de base. Donc comme vous l’a dit Laurent, les calcaires de base parce qu’on se situe à la base de cette énorme série évaporitique, donc qui constituent aussi le début de la crise de salinité messinienne.
Et ici, on se situe au sud du bassin de Caltanisetta. On voit bien l’affleurement de Serra Pirviata. Donc on voit que ces carbonates, ils ont un aspect bréchique, pas très lisse, et on a aussi des formes cubiques qui correspondraient à des fantômes de sel.
Donc si on regarde une lame mince, c'est-à-dire qu'on va regarder la roche avec un microscope, on peut voir qu’on a ces formes cubiques, qui sont désormais vides, c'est-à-dire qu'on avait du sel qui a été dissous par des [...?], on revient à la calcite sparitique tout autour.
Et ce qui est aussi intéressant, c'est qu'on a des filaments bactériens, ces petits filaments noirs. Donc on peut en déduire que, en fait, ces carbonates ont été formés par évaporation, mais aussi on a eu l'aide des bactéries.
Un autre exemple similaire, c'est les carbonates qu’on appelle TCC Terminal Carbonate Complex qu'on retrouve à Mallorque. Donc ici vous voyez l'affleurement de Porto Pi. Parmi les carbonates on trouve des microbialites. Et c'est quoi ces microbialites ? En gros, c’est des carbonates qui ont été précipité par des bactéries.
Si on regarde une lame mince, de nouveau, on retrouve ces filaments bactériens et quelques cubes d'halite, quelques cubes de sel, des fantômes de sel. Donc encore une fois carbonates formés par évaporation, mais aussi avec [...?].
Donc si on continue à évaporer cette eau de mer et on atteint une salinité entre 180 et 200 pour mille, on va obtenir ce qu'on appelle des sulfates de calcium. C'est par exemple le gypse. Le gypse et quoi ? Ça permet par exemple de faire du plâtre.
Donc cette fois, on va aller dans le nord de l'Italie, on est en Romagne. À droite, vous voyez l'affleurement de Vena Del Gesso. Dans cet affleurement, en fait, c’est l’affleurement type du gypse de la crise de salinité Messinienne. Et à gauche vous voyez le log géologique.
Un log géologique, c'est quoi ? On montre graphiquement, schématiquement, tous les bancs qu’on observe sur le terrain et vous pouvez voir qu'on a plus de 200 mètres de Sélénite.
Pour la petite anecdote, Sélénite, ce serait la pierre de Lune, ça vient du grec Selene, qui veut dire la Lune.
Et donc dans cet affleurement, on a plusieurs formes de sélénites. Une des plus impressionnantes, c'est le gypse en fer de lance, donc elle a cette forme en V, qui va croître verticalement de manière assez rapide au fond de [...?] Ce gypse, on peut le trouver aussi dans tout le pourtour méditerranéen, on trouve des super-cônes de sélénite dans le bassin Sorbas, là on voit, on est à l’affleurement de Le Aguas [?] au sud de l'Espagne. On en a aussi dans le bassin de Caltanisetta, on voit cette sélénite massive à l’affleurement de [...?] en Sicile et on en trouve aussi à Chypre, dans le bassin de Mesaoria, donc cette fois une sélénite en gypse qui est laminé.
Si on continue à évaporer l'eau de mer et qu'on atteint des salinités de 350 pour mille, on va obtenir du NaCl, c'est à dire de la halite. C'est quoi l’halite ? L’halite, en fait, c'est le sel que vous utilisez chez vous, tous les jours, en cuisine.
Donc cette fois, je vais vous montrer un exemple qui est assez impressionnant. C'est la mine de Realmonte. On est encore une fois dans le bassin de Caltanisetta, à l’ouest de ce bassin. Et donc, c'est en 1980 que la société italienne Italkali, ils ont commencé à exploiter et à produire du sel. À droite, vous voyez l'entrée de la mine, on descend en voiture, impossible d’y aller à pied. Sur la photo, à gauche, on voit cette galerie impressionnante. Cette roseraie est caractéristique de la mine de Realmonte.
On se situe à 80 mètres de profondeur. On voit bien que la halite elle est déformée, comme l’a présenté Hervé. Ce qui est aussi impressionnant dans cette mine, c'est que les mineurs ont sculpté une entière cathédrale.
Finalement, si on continue à évaporer et qu’on arrive à une salinité de plus de 350 pour mille, cette fois on va obtenir des sels potassiques. Et c'est sels potassiques sont extrêment difficiles à observer sur le terrain et à voir. Donc je vais vous montrer un exemple toujours de Sicile. Ça va être un forage qui a été fait dans le nord du bassin de Caltanisetta.
Et juste pour la petite anecdote, c'était pendant ma thèse, en 2019, on a reçu un coup de fil d'un géologue qui nous a dit qu'ils sont en train de faire des mesures géotechniques, c'est-à-dire des études du sol entre les villes de Palerme et de Catane, dans l'objectif de construire un TGV entre ces deux villes et que très probablement, ils auraient des sédiments qui proviendraient du Messinien.
Du coup, on va sur place et effectivement, on découvre près de 80 mètres de sels. Donc on retrouve bien la halite, de très beaux cubes de halite, mais aussi de la kainite, qui est sel potassique et de la carnalite, qui est... la carnalite, c’est le sel potassique qui se trouve à la fin de la séquence évaporitique, très, très difficile à avoir.
Cela montre qu'on doit avoir une évaporation de plus de 98% et donc montre qu’on a un environnement qui est aride.
Et on dit souvent que les géologues lèchent les pierres. Ça c'est vrai, si vous léchez cette carnalite rouge, elle va avoir une saveur qui est très amère. Du coup on est sûr que c’est des sels potassiques. Il faut quand même faire des analyses.
Donc on a vu que, au fur et à mesure qu'on évapore, on va avoir une suite bien précise de minéraux évaporitiques dans le temps. Mais regardons comment on peut les disposer dans l'espace.
Donc on s'imagine qu'on a un bassin entièrement fermé et si on commence à évaporer l’eau, on est bien d’accord que les marges, les bordures, vont être les premières à être émergées.
La taille de la lagune va devenir de plus en plus petite avec une salinité qui va augmenter.
Donc si on reprend notre séquence évaporitique, on peut penser qu'on aura la précipitation de carbonates au début, ensuite du gypse, de la halite et du sel potassique dans les parties les plus profondes. Donc ça, on appelle ça un bassin en oeil.
Si on reprend ce schéma et on prend l'exemple du bassin du Caltanisetta de Sicile, voici un modèle qui a été proposé par Decima & Wezel, qui montre que dans les parties marginales, dans les bordures du bassin, on aura la précipitation du calcaire de base comme ce qu’on a vu à l’affleurement de Serra Pirviata. Ensuite, on aura la formation de gypse et dans les parties du bassin les plus profondes, on va avoir la précipitation de halite, comme celle qu’on a vu dans la mine de Realmonte, et des sels potassiques comme on a vu dans le fond.
Donc maintenant, je donne la parole à Laurent qui va nous montrer comment les fossiles peuvent aussi être un bon indicateur.