Contexte géologique et archéologique du Bas-Médoc 1/2
Bonjour à toutes et à tous et Bienvenue pour cette nouvelle vidéo de Terres du Passé !
Aujourd’hui, nous allons continuer notre histoire en collaboration avec le projet de Sciences participatives Iconopastt sur la côte nord-médocaine, en Gironde !
GENERIQUE
Salut tout le monde !
Alors, de quoi va-t-on parler cette fois ?
Eh bien pour mieux comprendre l’intérêt de ce projet participatif, je vous propose de parler un peu de l’histoire géologique du bas-Médoc ! Et encore une fois, Frédérique Eynaud, du laboratoire EPOC, sera là pour nous raconter un peu l’histoire passionnante de notre petit coin du monde !
O.K. ! Allez, racontez-nous un peu cette histoire ! Parce qu’un projet scientifique participatif, à part en astronomie pour identifier de nouvelles étoiles ou dans des films catastrophes comme Deep Impact pour être le premier à repérer et signaler la météorite digne de celle qui a contribué à la disparition des dinosaures, ben je ne savais même pas que ça existait !
J’avais oublié ce film ! Mais oui, la science participative, ce n’est pas qu’en astronomie, loin de là !
I. Le littoral aquitain, un cas d'école de la lutte contre l'érosion
Depuis des temps immémoriaux, les littoraux sont une zone de forte attractivité pour les populations humaines. Et c’est d’autant plus vrai à notre époque, avec une estimation à 60% de la population mondiale vivant à moins de 150 km de la côte (source : INSEE 2009), ce qui représente la bagatelle d’environ 3,8 milliards de personnes.
Ah oui quand même…
Oui, et c’est sans compter la capacité d’accueil des touristes qui, en France métropolitaine représentait en 2009 déjà environ 7 millions de lits…
Purée de pomme de terre à la noix de pécan ! Mais, ça doit avoir des impacts de folie sur la côte ? Y’a pas des écosystèmes marins fragiles qui vivent là et pas ailleurs ?
Si, en effet… Et justement, cette zone se retrouve à perdre son rôle de tampon entre terre et mer par une artificialisation croissante avec la construction de structures rocheuses, de ports, de digues, d’habitations, etc. Et cette concentration de la population sur le littoral va en s’accentuant depuis le début du XXIe siècle, alors même que nous avons conscience de la vulnérabilité grandissante de ces territoires face au changement climatique en cours et qui aura des impacts forts à l’horizon 2100, donc du XXIIe siècle.
Nous aurons l’occasion d’en reparler dans les épisodes dédiés aux travaux de Futurs-ACT et d’Acclimaterra.
Ah ouais… Et puis, quand on y pense, la côte médocaine, ce n’est que du sable. Et le sable, ça bouge facilement. C’est mou j’ai envie de dire…
Alors oui et non. Tu as mis le doigt sur le point sensible.
La côte Aquitaine, pas seulement médocaine, est une longue bande de sable limitée par un cordon dunaire mobile (il se déplace au cours du temps). Au cours des deux dernières décennies, les épisodes de tempêtes qui ont frappé la côte ont provoqué des effondrements dunaires massifs répétés, pouvant être quasi-quotidiens en hiver ! Autant dire que de tels événements ont mis en évidence la grande fragilité de nos côtes.
Tous les apports de sables, ce qu’on appelle des rechargements, qu’ils soient naturels ou anthropiques, sont très insuffisants pour compenser les pertes hivernales. Ce constat est particulièrement sévère dans la partie septentrionale du littoral aquitain, au niveau de la presqu’île nord-médocaine. Et ce n’est pas sans raison…
II. La côte Nord-Médoc : un faciès sédimentaire atypique
Un faciès sédimentaire ? Mais qu’est-ce que c’est que ça encore ?
Ah quelle bonne question ! Un faciès, c’est un visage, un aspect, une apparence. Et sédimentaire, fait référence aux sédiments, donc aux boues, argiles, sables, galets… Par exemple, une dune entièrement en sable présente un faciès sableux. Mais un niveau de boue presque pure présente un faciès argileux. Eh bien, contrairement à la majorité de la côte aquitaine, la dune mobile moderne (donc récente) nord-médocaine s’enracine sur des formations sablo-argileuses à tourbeuses héritées des comblements d’anciens chenaux exutoires de la Gironde au cours du Quaternaire.
Hein ?
Je m’explique : l’échelle temporelle, qu’on appelle l’échelle stratigraphique, est divisée en plusieurs ères :
- le Primaire, ou Paléozoïque, avec (entre autres) l’apparition de la vie pluricellulaire et le développement des grandes forêts Carbonifères,
- le Secondaire, ou Mésozoïque, avec notamment les célèbres dinosaures,
- et le Tertiaire, ou Cénozoïque, qui correspond à l’ère la plus récente et accessoirement la plus froide.
Chaque ère est divisée en Périodes et le Cénozoïque ou Tertiaire, est divisé en Paléogène, Néogène et Quaternaire. Le Quaternaire étant la période la plus récente qui couvre les 2,58 derniers millions d’années. Et enfin, le Quaternaire est lui-même divisé en deux Époques : le Pléistocène et l’Holocène, l’époque chaude actuelle.
L’Holocène commence exactement 11 700 ans avant aujourd’hui.
O.K. Donc le Quaternaire, c’est une période récente qui comprend l’Holocène, la période la plus récente de toute l’échelle stratigraphique. Mais tu parlais d’anciens canaux exultant de la Loire ou quelque chose comme ça…
Presque ! J’ai parlé d’anciens chenaux exutoires de la Gironde.
O.K. Et je suis sensée mieux comprendre ?
Déjà, on ne parle pas de la Loire, mais de la Gironde, ce qui est quand même important !
Oui, bon, je te l’accorde.
Ensuite, il faut savoir que l’estuaire de la Gironde n’a pas toujours eu l’aspect qu’il présente aujourd’hui. Comme tout sur Terre, il a changé au fil du temps. Il lui a fallu des décennies et même des siècles pour se forger une structure aux bords si propres et nets, si linéaires.
À l’époque Gallo-Romaine, donc entre le VIIIe siècle avant notre ère (soit il y a environ 2 800 ans) et le Ve siècle de notre ère (soit il y a environ 1 500 ans), l’estuaire de la Gironde présentait une morphologie très différente, marquée par la remontée du niveau marin et l’invasion de bras d’eau vers l’intérieur des terres : ce sont des chenaux exutoires.
Il y a 6 000 ans, l’estuaire de la Gironde avait la forme de ce que l’on appelle une ria.
C’est vrai ? Mince alors, je pensais que l’estuaire était comme ça depuis toujours. Comment ça se fait qu’il ait eu cette forme ? Et qu’est-ce qui l’a fait changer ? J’ai du mal à comprendre.
Ce sont de très bonnes questions. Et justement, pour aller avec le projet Iconopastt, qui est un projet de science participative, il existe un projet de recherche : le projet ESTRAN qui vise justement à expliquer ces changements qui ont eu lieu au cours des siècles et des millénaires précédents, en lien avec les mouvements de populations. Et je vous propose d’écouter Frédérique Eynaud nous en parler quelques instants.
Aller ! Mme Eynaud, on vous écoute !
Le projet ESTRAN en fait, c'est le projet qui est vraiment le projet de recherche qui va avec le projet de science participative qu’est Iconopastt. Et c'est là où on a toutes les grandes questions, justement sur les modalités de la sédentarisation, l'adaptabilité des populations à des événements qui ont touché la géographie du trait de côte du littoral. Alors, quand on prend un recul sur 10 000 ans, il ne faut pas envisager le littoral comme il est aujourd'hui.
Il y a vraiment eu des modifications très importantes, notamment, ben les derniers 10 000 ans, c'est le moment où se stabilise le niveau marin lors de la dernière transgression marine, la dernière déglaciation, et depuis 6 000 ans, en fait, ce littoral a beaucoup bougé, beaucoup reculé, s'est engraissé par certains endroits, notamment dans la partie interne de l'estuaire. Et ESTRAN vise vraiment à caractériser les zones qui ont été les zones préférentielles de sédentarisation, ou alors au moins d'utilisation, parce qu'on se rend compte que ce n'est pas toujours des territoires qui sont occupés à l'année, ça peut être des territoires d'opportunisme.
Des territoires opportunistes ? Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Qu’est-ce qu’ils font à ces endroits les gens, quand ils s’y installent ?
Par exemple, dans ce qu'on a sur le projet ESTRAN comme résultat fort, c'est vraiment la mise en avant de l'utilisation de l'eau de mer pour produire du sel sur ce territoire médocain. Après, les choses changent avec l'histoire, notamment quand on rentre dans la période gallo-romaine, on voit l'exploitation des huîtres, donc avec la création de bassins d'affinage, vraisemblablement, c'est comme ça qu'on interprète les choses jusqu'à présent.
D’accord, O.K., je comprends. Merci !
Et du coup, quand on parle de transgression, de stabilisation du niveau marin, tout ça tout ça… Tu peux nous en dire un peu plus ?
Oui, bien sûr. Alors d’abord, il faut se rappeler un peu l’histoire climatique de la Terre et se dire que lors de la dernière période glaciaire, l’Europe de l’ouest, et donc la France métropolitaine, ne ressemblait pas vraiment à ce qu’elle est aujourd’hui.
Tu veux dire que tu vas nous parler de l’âge de glace ? Comme dans la série que t’as faite et dont on attend l’épisode 8 depuis plus d’un an ?
Tu ne me rates pas, toi, hein ? Nous allons effectivement revenir sur l’âge de glace, sachant qu’il y en a plusieurs au cours de l’histoire de la Terre, et que nous allons nous intéresser plus particulièrement à la dernière période glaciaire. Mais comme ce n’est pas le sujet principal de ces vidéos, nous allons l’aborder très rapidement ici, simplement pour vous expliquer l’évolution de la côte nord-médocaine.
O.K., ça marche ! Donc on se place dans le passé sur la côte Nord-Médoc !
Exactement ! Durant le dernier maximum glaciaire, il y a environ 20 000 ans, le niveau marin était 120 m plus bas qu’aujourd’hui. La côte n’avait alors rien à voir avec ce qu’elle est.
L’estuaire de la Gironde était plus profond, plus creusé. Les marais médocains étaient des plaines sèches et gelées marquées de chenaux, des bras de rivières, nourris par la fonte des neiges et des glaces à chaque saison estivale.
La température moyenne dans le nord-Médoc il y a 25 à 13 000 ans était inférieure à 0°C (Tastet, 1999) et un mollisol, donc un sol gelé comme on en trouve dans certaines zones de la Sibérie par exemple, perdurait toute la saison hivernale. En été, le sol dégelait, c’est pourquoi on l’appelle un mollisol, à l’inverse d’un pergélisol qui, lui, reste englacé durant au moins deux années consécutives, été comme hiver.
Comment on sait ça ?
Eh bien justement, parce que des chercheurs ont étudiés les argiles et les sables de la côte nord-Médoc, entre Soulac-sur-Mer et Montalivet, à la Lède du Gurp, etc. Et dans ces couches argileuses et sableuses datées de plusieurs milliers d’années, ils ont retrouvé ce qu’ils appellent dans le jargon des cryoturbations : des perturbations du sédiments dues au gel/dégel typique des pergélisols/mollisols.
Tu veux dire, ces falaises qui sont en train d’être dévorées par la mer, celles que tu veux qu’on prenne en photos et qu’on sauvegarde sur le site internet d’Iconopastt ? Comme celle-ci, ou encore celle-là ? Ces boues noirâtres ou grises ou jaunes, ces sables, tu veux dire que cette boue informe nous raconte l’histoire de l’âge de glace ?
Entre autres, oui, ces paléosols, ces affleurements, nous racontent l’histoire passée de la zone. Et les scientifiques, les chercheurs, ont appris au fil du temps à lire l’histoire que nous racontent ces archives géologiques.
Mais attends, ce n’est pas tout ! Parce qu’au-delà de l’histoire climatique et environnementale de ces sédiments, nous y trouvons dans certaines couches des traces d’activité humaine et animale ! Des restes d’éléphants antiques…
Chez nous ? Des restes d’éléphants ?
Mais oui ! Des restes de Palaeoloxodon antiquus dans les sédiments les plus anciens…
Tout ça chez nous ? Sur nos côtes ? Et tout ça est en train de disparaître, emporté par la mer ?
Les chercheurs en récupèrent autant qu’ils peuvent, ils prennent des photos pour mémoires, pour essayer de conserver une trace, ils essayent de venir pendant les épisodes de grandes marées, avant et après les tempêtes… Mais ils ont besoin de nous !
C’est tout le principe de cette science participative. Faire participer les citoyens, les locaux, à la mémoire de leur patrimoine !
Nous permettre à nous, simples curieux et amoureux de notre région, de participer à l’élaboration de ce monument qu’est la Science !
Tu t’emballes un peu là, non ?
Ah… peut-être… Mais c’est tellement passionnant !
Ouais, on sent qu’t’aime bien ça. Mais dis, je suis en train de penser à un truc…
Oui, quoi donc ?
Les photos, c’est bien sympa de vous les partager. Mais comment vous faites pour savoir d’où elles sont ?
Ah, ça c’est une question sacrément pertinente ! Alors, si tu nous partages une carte postale ancienne, par exemple, il y a généralement le lieu qui est indiqué sur la photo. Mais ça reste parfois assez vague. L’idéal, pour les photos récentes, est d’activer la fonction GPS lors de la prise de la photo avec le téléphone.
C’est généralement activé par défaut sur les portables en fait.
Cette fonction GPS permet d’avoir, dans les données de la photo, l’information de position exacte relevée par le téléphone. Et quand ce n’est pas possible parce que ce sont d’anciennes photos de famille, il faut indiquer aussi précisément que possible l’endroit où a été prise l’image.
Hum, d’accord. Penser à indiquer l’endroit où a été prise la photo…
Ne t’en fais pas, le site Iconopastt est très bien fait ! Il y a une carte sur laquelle on peut positionner la photo quand on sait où elle a été prise, et on peut même préciser le niveau de certitude quant à la position sélectionnée. Le site nous guide bien et ça c’est chouette !
Bon, génial ! Dis, ça fait d’jà un moment que tu causes. Tu crois pas qu’il serait temps de dire à la semaine prochaine ?
C’est toi qui décide de la durée des vidéos maintenant ?
Ben non, mais t’as l’air d’avoir encore envie de raconter des trucs, et même si c’est cool, faudrait pas pousser mémé dans les orties non plus !
Tu as de ces façons de parler. Mais c’est entendu, arrêtons-nous là pour aujourd’hui et continuons cette histoire dans le prochain épisode !
Merci à toutes et à tous d’avoir regardé cette vidéo jusqu’au bout ! N’oubliez pas : pour partager vos photos de la côte du bas-Médoc, c’est sur le site d’Iconopastt, avec deux T !
Passez une belle journée et à très vite sur www.terres-du-passe.com !